Dans le désordre



                Dans le désordre de la vie, je cherche le temps de vous écrire. J’essaye de grappiller quelques minutes ici et là pour vous déposer quelques mots au creux des yeux. La semaine est bientôt terminée, et il y aura sans doute une nouvelle vidéo publiée dimanche. Mais qu’importe, j’ai pris en 2016 la bonne résolution de publier au moins un article par semaine. Je n’échouerai pas dès les premiers jours.

                Dans le désordre de la vie, je cherche le temps d’écrire.  D’autres cherchent juste le temps de vivre. Le temps de lire, le temps d’écrire, le temps d’aimer, tout ça, c’est du temps volé, écrivait Pennac. Le temps de vivre aussi. Peut-être. Dans le désordre c’est un roman réaliste, un roman-souffle, un roman social, un roman bouleversant, un roman d’amour, un roman de vie. Mais si là vous deviez vous arrêter de lire cette chronique et ne savoir qu’une chose, c’est que ce roman essentiel raconte l’histoire de sept personnages qui, dans le désordre d’aujourd’hui, dans la fureur et la passion, volent le temps de vivre.

« Au début, Jeanne a envie de visser les écouteurs sur ses oreilles, s’envoler dans les cris qui niquent le blizzard, lui rappellent que l’ennui est un crime, la vie un casse du siècle, un putain de piment rouge. »

                Il faudra commencer par dire ça : Marion Brunet, au détour d’une page, de deux phrases, place son roman sous le signe, la musique, les mots, la lumière vacillante de Fauve. C’est discret, seuls ceux qui les écoutent ont pu voir ça. Mais Fauve – et Dans le désordre – c’est ça : un cri, des mots parfois crachés. C’est dur, brut et parfois un peu déprimant. Mais c’est aussi la passion, la fureur de vivre, l’espoir, un espoir ardent, et l’amour, un amour dévorant. Il ne faudra pas l’oublier.


                Je vous parle de vol, d’émotions bouleversantes, de fureur, d’ardeur, d’amour dévastateur, de passion qui vibre sous l’encre. Et pourtant, les premiers mots qui me sont venus en lisant le rman, c’est le calme, la douceur. Ce ne sont pas les personnages, ni leur histoire, ni les sentiments, ni l’essence du roman. C’est la forme. Il y a quelque chose de plus réservé dans l’expression, comme si Marion Brunet prenait plus le temps de raconter ses personnages. Le style s’est affûté au fil des romans, il est devenu plus littéraire, plus fin, mieux ciselé. L’auteure en a aujourd’hui une maîtrise remarquable qui lui permet une grande justesse.

                Parce que la justesse est inscrite au plus profond du roman comme les lignes de nos mains. C’est comme une veine qui le nourrit, comme une rivière qui s’y déverse, comme une vague qui le caresse. Dans le désordre, comme je l’écrivais plus haut, a cette vérité de tous les jours, cette vérité du coin de la rue qui en fait un « roman social ». Dans le désordre parle de nous, mais surtout des autres, le roman parle  des villes, du pays, de la société, l’histoire parle de peuple, de classes, d’inégalité, d’injustice, de colère, Dans le désordre parle de marge, de frontière, de laissés pour compte, de différents. Il dresse un portrait lucide, assez amer, parfois dérangeant, un peu douloureux, de la société. C’est dur, difficile, ça remue et ça griffe notre existence plutôt tranquille. Mais c’est un portrait incisif, qui frappe pile au bon endroit, là, ce point fragile et vulnérable de vous qui ferme les yeux souvent, et les ouvre parfois avec douleur.

                 Mais ce serait un peu triste peut-être, un peu trop dur, ce serait même plat et assourdissant de lire un roman qui ne serait que ça. L’intérêt même du roman, sa force et sa puissance, c’est qu’il est à double tranchant.
« Une vie différente implique aussi un monde différent. Par quoi commencer, en premier ? A l’envers et dans le désordre, elle pense, et ça la fait sourire, comme le désordre de son cœur, qui prend une place dingue, presque toute, dès que Basile la frôle. » 
                Les sept personnages se sont trouvés un peu par hasard, les voilà réunis avec leurs cicatrices et leurs écorchures. Un peu bancals, un peu blizzards dirait Fauve. Mais sincères, furieusement sincères.

                Plus que la société, c’est eux que Marion Brunet raconte. Elle raconte leurs vies, leurs failles, leurs espoirs, leurs amours, leurs espoirs, leurs désirs, leur foi, leur envie, leur force, leur puissance, leurs peurs, leurs déceptions, leurs erreurs, leurs conquêtes, leurs batailles, leur vie. Le portrait est juste, touchant, sensible. Avec une tendresse et un instinct protecteur poignants, l’auteure saisit par petites touches réalistes et délicates chacun des humains qu’elle place sur cette scène qui craque, grince et tangue.

                C’est un peu ça finalement, que Marion Brunet fabrique : le carrousel, le théâtre poussiéreux, bancal mais vif et indomptable de nos existences. 
               Devant nos yeux : le portrait saisissant et craquelé d’un monde qui est nôtre et qu’on embrasse, même ses cicatrices.
                Derrière, dans nos entrailles : des braises qui crépitent et n’attendent qu’un mot.

 « Il y a de la vie dans les livres, tu sais » dit le père de Jeanne à sa fille, dans le cocon d’une forêt solitaire – le leur.
            Et Dans le désordre déborde de vie.
                Ils sont là : aujourd’hui, le monde, la société, sept personnages vivants et furieux, nos villes et notre pays, nos colères et nos amours, les failles, les blessures et l’espoir.
                Ils sont là, avec humilité, avec justesse, avec foi, avec profondeur, avec densité, avec puissance, avec douceur, avec les mots et avec nous. Nous.

                Dans le désordre est un roman brut et cassé. Qui dit qu’il est parmi nous des vivants en colère. Mais dans la colère on peut aimer. Il ne faudra pas l’oublier. Ne pas oublier d’aimer.
                Dans le désordre est un roman-souffle. Un souffle furieux, littéraire, coupé, craché, doux. Le souffle qu’on prend avant de frapper, celui qu’on prend pour crier, celui qui nourrit un baiser, le souffle qui rugit dans le désordre des  battements de nos cœurs.

 « Avec ce slogan au milieu des vagues – une phrase que Jeanne fait sienne, qu’ils font leur :
JE HAIS INFINIMENT
PARCE QUE J’AIME SANS RESERVE
En elle, une joie sublime éclate au point de la faire trembler.
Je suis chez moi. Je suis chez moi. »

 Dans le désordre, Marion Brunet, Sarbacane, collection Exprim', 15€50, 256 pages

3 commentaires:

Juliette Celle qui lit dans la nuit a dit…

T'as gagné Nathan. Wow. C'est ... avec tous tes mots, tu m'as ôté les miens. C'est une critique tellement belle. ❤ Définitivement, je vais craquer. Merci. ❤

Véronique Durand a dit…

Magnifique ! J'en ai des frissons ! Bravo Nathan !

Anonyme a dit…

Ton écriture est percutante et sublime. Tu écris les mots avec une telle sincérité et une telle justesse. Tu es assez impressionnant. Félicitations.

Enregistrer un commentaire