Alors que le roman est sorti depuis plus d’un mois et que je l’ai lu depuis plus de trois mois, je me dis qu’il est temps d’en faire une chronique. Il est un peu tard, c’est vrai, pour se remémorer tout ce qui a été vécu et ressenti au travers de ma lecture. Pourtant, je ne crois pas que ce sera si difficile. Et c’est sûrement parce que le roman a remué tellement de choses en moi qu’elles sont encore là à palpiter quand je passe ma main sur la si jolie couverture du roman – réalisée par Taï-Marc Le Thanh – ou quand je feuillette ce texte dense et bouleversant.
Alors je me pose devant mon bureau, les mains sur le clavier, je fais une pause dans mon travail, je mets la playlist du roman, sélectionnée par l’auteur, et je vous écris ces quelques lignes pour vous dire qu’il faut lire Bluebird.
On vous dira plein de choses dessus. En portant attention à la promotion faite autour du livre, en allant lire les chroniques des blogueurs, en regardant les vidéos des Booktubers. On vous dira que c’est un livre sur l’amour, un livre sur la musique, un texte historique, un roman sur la ségrégation, l’Amérique, la seconde guerre mondiale, une histoire sur l’amitié et la famille aussi, sur une révolte. Tout cela ne sera pas faux. Et même bien au contraire profondément vrai.
Seulement, tout cela et si riche et intimement mêlé que je me contenterai de vous dire que c’est un roman sur la passion. Et dans « passion », il ne faudra pas comprendre une simple passion amoureuse et la réduire à ce strict sens. Non, dans « passion », il faudra lire désir, rêve, espoir, vie. Dans Bluebird, la passion, c’est ce feu qui brûle dans vos entrailles et anime votre corps, c’est ce même feu qui brûle dans Tant que nous sommes vivants, celui qui vous pousse sur les routes périlleuses de la vie.
Sans que ça ne consume jamais le lecteur, ni le noie ou le lasse par trop plein, c’est bien, à mon sens, la passion qui donne vie aux mots de Tristan Koëgel.
La musique vibre dans le cœur de Minnie.
Arpentant les routes avec son père, un songster, et chantant ici et là, dans une plantation et sur les chemins, des chants de travailleurs et les prémices du blues, Minnie vit par et pour la musique. Et puis un jour, on lui parle de disque, de succès, de luxe et de richesse. Et puis un jour elle échoue, avec son père, dans une plantation où ils sont obligés de rester quelques temps. Et puis un jour elle rencontre Papy, Gros Poings, Leroy… Elwyn aussi. Et puis un jour, tragiquement, la voilà partie pour Chicago, où un grand destin l’attend.
La musique vibre aussi dans notre cœur parce qu’elle vibre dans les mots de Tristan Koëgel. Son écriture est parfois chantante, souvent sincère et percutante mais toujours juste. Il écrit là une ode poignante au blues, ce blues qui s’écoute, mais se vit, aussi. Cette ode, d’ailleurs, continue et prend fin dans une postface saisissante d’émotion.
Un amour passionnel vient aussi faire frémir ce cœur.
C’est avec Elwyn qu’elle va le vivre. Ils n’ont que treize ans. Il est blanc – immigré irlandais. Elle est noire. Mais rien ne les empêche de croire en leur histoire. Leur candeur et leur sincérité vont heurter le monde qui les entoure.
Le lecteur, pris dans cette histoire tumultueuse, est touché. L’auteur aborde cette relation avec tellement de délicatesse qu’il ne peut en être autrement.
La famille a forgé celle qu’elle est.
Et c’est à cause d’elle, c’est à cause d’un drame, c’est dévastée, qu’elle fuit du Mississipi pour traverser l’Amérique et trouver à l’autre bout des Etats-Unis une autre vie. Différente, unique, difficile, mouvementée, bouleversante.
Son père, pourtant, est sa seule famille. Au début du moins. Car après, une multitude de personnages les rejoint. Dans la plantation, sur les routes, à Chicago. Chacun s’enrichit de rencontres et la fresque de personnages créée par Tristan Koëgel s’élargit. Tous ont le droit d’y trouver une petite place et aucun n’est vraiment négligé. Peu importe son importance dans l’histoire, il est peint avec finesse et tendresse. On en trouvera des détestables, bien sûr. On en trouvera des profondément marquants. Mais tous se dessinent au fil de leurs failles. Si bien que la famille de Minnie, ce n’est plus un père, mais tout un tas d’existences qui se sont bousculées et finalement coagulées. Il en ressort des blessures, mais aussi un peu de beauté.
Mais l’Histoire vient tout bousculer.
C’est l’Histoire de la ségrégation, des plantations, du Klu Ku Klan, d’un espoir noir et blanc. Et celle du blues, que Minnie traverse et marque.
Une Histoire qui ne laissera personne indemne. Aussi suit-on tout le long du roman l’histoire de chaque personnage au travers de plusieurs regards. La narration est multiple, portée par trois voix : celle de Minnie, celle d’Elwyn et celle de Gros Poings. Les narrations s’enchaînent, se croisent, mais ne se répètent jamais. Chaque point de vue vient enrichir notre connaissance de l’histoire ou la poursuivre. C’est habile, intelligent et mené avec un talent certain.
Il est finalement émouvant de penser que c’est par les mots de Tristan Koëgel – ceux du Grillon – que je découvrais la collection de romans Didier jeunesse en 2013. Aujourd’hui, c’est avec ce même auteur que la collection prend un nouveau tournant, enrichissant son lectorat de lecteurs plus âgés. Et quel tournant !
J’ai été bouleversé par l’histoire de Minnie, transporté par le style poétique, sincère et sensible de Tristan Koëgel, ébloui devant la maîtrise de l’histoire, des intrigues et de leur enchevêtrement, fasciné par l’Histoire qui traverse le tout, ému de quitter les personnages.
Bluebird est sans conteste un texte puissant et audacieux. De ceux qui sortent des sentiers battus et poussent le lecteur à faire de même : tracer de ses espoirs un chemin différent.
1 commentaires:
(Je pique l'ordinateur de mes parents pour pouvoir mettre un commentaire parce que du mien ça ne fonctionne pas ... ;( )
Bref, du coup, en retard, je te dis, à mon habitude, que cette critique est magnifique et qu'elle a porté ses fruits puisque ma meilleure amie (Loréna) l'a acheté, pour sa soeur à priori, et que je meure d'envie de le lire.
Bref, bravo!! <3
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