J’aurais voulu écrire cette
chronique en l’agrémentant de citations bien choisies et en écoutant la
playlist proposée par Clémentine Beauvais au début du livre. Malheureusement,
je n’ai pas mon exemplaire à portée de main et n’ai aucune idée d’où il est…
(il ne semble pas être chez mes parents, il est peut-être à Paris, ou peut-être
entre les mains de quelqu’un d’autre, je suis perdu et lui aussi) Je vais donc
me contenter de la seule que j’ai (et que j’avais postée sur Instagram). Quant
à la musique, j’écoute « J’ai deux amours » parce qu’il me semblait que ça allait bien
avec – mais attention, chanté par Mika à l’AccorHotels Arena en mai dernier, on
ne se refait pas, hein.
« Parce que leur histoire ne s’était pas achevée au bon endroit, au bon moment,Parce qu’ils avaient contrarié leurs sentiments,il était écrit, me semble-t-il, qu’Eugène et Tatiana se retrouvent dix ans plus tard,sous terre,dans le Meteor, ligne 14 (violet clair), un matin d’hiver. »
C’est ainsi que débute le roman (dont vous pouvez lire le début ici)
et c’est ici, me semble-t-il, que tout se joue. Si on tombe amoureux de ces
lignes, comme l’écrit si bien Mathilde dont l’avis est présent sur la quatrième
de couverture (rien que ça !), si
on tombe amoureux de ces quelques premières lignes – ou peut-être devrais-je
écrire vers – alors on tombe forcément amoureux de la suite du roman.
Parce que Songe à la douceur,
c’est quitte ou double. J’ai entendu de rares avis mitigés. Pour le reste, c’était
soit : « je me suis ennuyé d’un bout à l’autre, ça m’est tombé des
mains, je n’ai pas aimé » (rassurez-vous, j’en ai peu entendu de ceux-là), soit
(ô combien de fois) : « c’est la plus belle histoire que j’ai jamais
lue, je suis amoureux, j’adore, c’est brillant ». OK, j’avoue, je ne suis
pas original : je suis dans la
deuxième catégorie.
Et pourtant, ce n’était pas gagné ! Quand on a entendu autant d’avis
différents, on part forcément sceptique, presque effrayé ; mais en même temps,
on part aussi, et c’est là que j’ai été gagnant, totalement neutre. OK, d’un côté on m’a dit que c’était nul. De
l’autre, on m’a dit que c’était un chef-d’œuvre. À moi d’en juger !
« il était écrit, me semble-t-il, qu’Eugène et Tatiana se retrouvent dix ans plus tard »
Songe à la douceur, c’est
une histoire d’amour qui prend racine dans l’adolescence des deux
protagonistes, mais ça, on le découvrira plus loin dans le roman, et qui se
poursuit dix ans plus tard, alors qu’ils sont de jeunes adultes.
« Parce que leur histoire ne s’était pas achevée au bon endroit, au bon moment,
Parce qu’ils avaient
contrarié leurs sentiments »
Et cette histoire d’amour, déjà placé sous l’égide du destin (« il
était écrit ») prend dès lors une teinte dramatique d’amours déchues. Ça
commence sur une déception amoureuse, une jeunesse passée et des espoirs
échoués.
Cette emphase de l’amour qui n’est encore que timide va pourtant se
déployer dans les pages suivantes jusqu’à
frôler la parodie et flirter avec la passion qui, en fait, anime tout le
livre. C’est-à-dire que cette histoire d’amour s’ancre avec force dans le réel
mais prend pourtant l’ampleur d’une
romance passionnée qu’on a l’impression de ne trouver qu’en littérature. Si
dès le début tu acceptes que cette passion sera enflammée, dévorante,
passionnée, alors toi aussi tu te laisseras avaler par l’amour qui mange
les pages du roman. Tu l’acceptes, tu admires la maîtrise de l’histoire
et de la parodie, comme une référence à Jane Austen ou… à la littérature russe
et, justement, Songe à la douceur est une réécriture d’un roman de Pouchkine. Et
pourtant, tu as beau accepter cette passion littéraire, tu te laisses prendre
au jeu. De littéraire elle devient littérale. Et, toi aussi, tu tombes amoureux, d’Eugène,
de Tatiana, de leur histoire, et tu y crois, férocement, tu y crois et te
passionne pour leur histoire.
C’est là que réside pour moi la
force du roman de Clémentine Beauvais. Dans les extrêmes. En un seul
roman, parfois en un seul vers, elle glisse des extrêmes qui se repoussent mais
ici s’attirent. Alors qu’Eugène et Tatiana, si différents, ne peuvent se
résoudre à se séparer, les extrêmes que Clémentine Beauvais force à s’entrechoquer
ne peuvent que se marier.
C’est assurément littéraire, un brin parodique et parfois exagéré,
mais tu y crois et tu palpites.
C’est admirablement écrit, presque intellectuel et toujours littéraire,
mais elle joue avec les mots et c’est d’une
légèreté admirable.
C’est tissé de mots, ce n’est qu’une fiction, et c’est pourtant d’une justesse sans nom.
Ça a un côté passé, un côté Austen et un côté galant, mais les
personnages échangent sur MSN, s’envoient des mails, se traquent sur Facebook
et discutent par Skype dans un Paris contemporain du nôtre.
« Il adore se dire que le soleil un jour engloutiraJusqu’à cet amour-là »
Parce que oui, Songe à la
douceur est un roman en vers libre. C’est presque nouveau dans le paysage
français, c’est
original et carrément risqué, mais c’est réussi.
Clémentine Beauvais se joue de
tout. De ses personnages et du lecteur oui. Mais avant tout des mots. Elle mélange les genres, passant du vers
à la narration au théâtre au dialogue et mixant le tout. Elle use de tant de
figures de style qui se glissent là sans même qu’on le voit se faufiler sous
nos yeux. Elle joue avec les mots. Elle mélange les styles. Les coutures de son écriture, bien qu’invisibles,
semblent sinueuse, complexe et élégamment composée de ramifications dont seule
l’auteur a le secret.
Et malgré la difficulté du jeu et l’ambition
de la démarche, c’est, comme je l’écrivais, d’une légèreté entraînante. Ce
jeu est amusant. Les phrases s’ornementent d’humour. L’auteure s’immisce dans l’histoire
et la narration, parlant tant avec ses personnages qu’avec le lecteur. Le tout
n’est jamais trop complexe, dense et plombant. Juste efficace, entraînant et jouissif.
Ce roman a cela de l’Oulipo : l’ambition et l’amusement. Et comme
l’Oulipo, l’amusante danse des mots orchestrée par l’auteure prend d’abord le
dessus sur l’émotion. Et soudain, au détour d’une phrase, il y a une déchirure.
Inexorablement, vous tombez dedans, sous les mots. Et vous êtes bouleversé.
Un tel jeu sur le style et l’écriture ne pourrait donner que
superficialité. Et pourtant. Je l’ai écrit plus haut, Songe à la douceur est d’une
justesse étonnante. C’est cette justesse mais aussi l’universalité de ces
thèmes (l’amour, la passion, grandir, changer) qui en feront le succès auprès de
tous les lecteurs - adolescents, jeunes adultes et adultes. Il y a une
précision dans les descriptions, une précision si pointue qu’on verrait presque
la vie palpiter dans les veines des personnages. Et cela en quelques mots !
En quelques vers si bien écrits que mes yeux ont brillé d’admiration devant la
maîtrise du style de Clémentine Beauvais et l’évolution que semble connaître
son écriture de roman en roman. Cette précision, bien évidemment, se poursuit
dans les émotions des personnages. C’est plus ténu, plus subtil, et pas
nécessairement décrit. Mais que ce soit
dit ou glissé entre les lignes, c’est là : les personnages ressentent et ça, c’est ce qui te frappe en plein cœur quand tu lis
le roman.
Clémentine Beauvais joue avec les mots, mais c’est avec passion, elle
se moque de ses personnages, mais c’est avec tendresse, elle se joue du
lecteur, mais c’est avec respect, elle raconte une histoire d’amour qui consume
deux êtres, et c’est avec justesse.
Je m’en suis pris plein la vue et le cœur en lisant Songe à la douceur. C’est pourquoi j’ose
l’écrire comme d’autres l’ont écrit, avec la plus profonde sincérité : je n’avais pas eu, depuis longtemps, un coup de cœur aussi grand et
honnête pour un livre.
C’est un roman dont la richesse littéraire et émotionnelle m’ont tant bousculé
qu’il est très difficile d’en parler ici en étant bref (hum, hum) et clair (je
pars, je crois, un peu dans tous les sens).
C’est comme si Clémentine
Beauvais s’était dit : « Dans ce roman, je vais tout mettre, tout »
et qu’elle avait réussi.
C’est tellement puissant qu’elle ne pouvait terminer son histoire que
comme elle l’a fait : avec passion, avec tendresse et en laissant une porte ouverte. Comme ça, le lecteur peut s’y
glisser, et y mettre ce qu’il veut. Y poser la seule chose qui manque à l’histoire
pour qu’elle soit parfaite : un petit fragment de lui.
C’est ce que j’ai fait.
C’est ce que d’autres ont fait.
Et c’est ce que vous ferez si vous le lisez.
Alors l’œuvre vous semblera aussi complète qu’elle doit l’être.
Et
vous pourrez refermer le livre heureux mais avec une petite pointe au cœur. Et
l’envie de le rouvrir. Et la peur de s’y perdre une nouvelle fois.
« Les soleils mouillésDe ces ciels brouillésPour mon esprit ont les charmesSi mystérieuxDe tes traîtres yeux,Brillant à travers leurs larmes. »- Baudelaire
D'autres livres de Clémentine Beauvais :
Le dernier en date, c'est génial. |
Pour les plus petits : génial aussi. |
Le premier que j'ai lu : ♥ |
L'un des premiers : étouffant et fort ! |
Un album... en vers ! |
5 commentaires:
Ta chronique me donne tellement envie de découvrir ce roman ! :)
Je n'ai lu qu'un roman de Clémentine Beauvais: Les petites reines, et je l'avais adoré; alors j'espère avoir vite l'occasion de lire celui-ci ;)
Mais c'est trop ça !
(Commentaire très littéraire et constructif...)
Des petits coeurs pour toi et ta si belle chronique.
Bon et bien ... bravo, il est ajouté aux livres qu'ils faut que j'achète à Montreuil ou avant ;) Well done man :)
Un livre magique, j'adore cette auteure, je dévore ces romans :D
Ce livre est vraiment génial !
Ce que j'ai le plus apprécier c'est l'écriture en vers.
Ca donne quelque chose en plus!
bravo pour ta chronique
merci
Enregistrer un commentaire