Un souvenir est un trésor auquel on
s’accroche ardemment, inquiet de le perdre, angoissé de le laisser s’échapper, parce
qu’il nous glisse entre les doigts alors qu’on aimerait l’enfermer en nous … ou
peut-être s’enfermer en lui. Un souvenir est un nuage. Il est flou et doux, insaisissable,
il fuit, il est rêve.
« Je dialogue avec les ondes du lac, celui de mon souvenir d’été. »
Comme Sophie, dans le dernier roman
de Florence Hinckel, Hors de moi, n’avez-vous
jamais dialogué avec vos souvenirs ? N’avez-vous jamais fermé les yeux, fermé
votre conscience au monde extérieur, voilé votre regard et votre écoute, pour
se concentrer sur cette échange ? Revivre, tenter de retrouver les perceptions,
les sentiments, souhaiter intensément y retourner.
C’est ce à quoi s’obstine ce
personnage finement fracturé de vives émotions. Cette Sophie qui se laisse paisiblement
sombrer dans la mélancolie. Elle disparaît de la perception de ses proches, s’enferme
complètement dans ses souvenirs. Loin du monde, loin des autres, elle se
protège de l’extérieur pour que celui-ci ne brise pas le doux cocon de sa
mémoire. Et à trop se refermer sur elle-même, elle se rend aveugle et s’emprisonne
plus encore que ce qu’elle n’imaginait faire.
C’est un roman tout en fragilité.
La fragilité d’un début qui prend son temps pour saisir le lecteur. La
fragilité délicate et profondément touchante d’une plume qui dessine avec
tendresse le portait sensible de Sophie,
celui de son histoire, celui de son avenir dont la lumière danse et menace de s’éteindre.
Et quand le lecteur est saisi. Quand un page se tourne, quand un chapitre
nouveau s’ouvre, quand l’histoire continue. Alors il n’est plus tellement
possible de revenir en arrière, dire j’ai fini, j’arrête, poser le livre,
oublier Sophie, passer à autre chose. J’ai voulu savoir la suite, connaître la
fin, la décision de cette jeune adolescente alors que je la savais déjà, voir
son évolution, vivre avec elle cette étape de sa vie. La voir changer.
Les plus grands romans sont ceux
qui vous font grandir. Ceux de Florence Hinckel sont de ceux-là.
Hors
de moi m’a-t-il fait grandir ?
Je ne saurais pas vraiment le dire finalement. Parce que je suis un peu plus
âgé que Sophie, parce que je suis un garçon (je ne serais jamais enceinte, eh
oui), parce que ce que j’ai ressenti pour ce texte n’a pas été aussi fort que
ce que j’ai ressenti pour L’été où je
suis né. Mais il en touchera plus d’un(e), qui seront sans aucun doute
autant marqué, peut-être même plus, que je l’ai été en lisant ce nouveau roman
signé Florence Hinckel.
Et quand j’ai fini le roman. Quand
d’un dernier élan j’ai dévoré, avalé, englouti les dernières pages et que
celles-ci ont achevé de m’ébranler, il ne me restait plus qu’une chose à faire ...
il était venu ce moment que je ne m’étais pas accordé alors que j’en avais l’envie
depuis plusieurs mois. Il était venu le délicieux moment de relire L’été où je suis né.
Il faut savoir que Hors de moi est le « spin-off »
ou de L’été où je suis né. Hors de moi l’histoire de la mère de
Léo, avant l’histoire de celui-ci qui est le personnage central de L’été où je suis né, paru il y a
quelques années déjà dans un Je Bouquine, puis chez Scripto.
Même en le relisant, même debout
dans le tram, ou assis sur un banc, même au creux de mon lit, même là, ici ou
ailleurs, même si c’était la troisième fois, peut-être la quatrième, je ne sais
plus, il m’a bouleversé.
L’été
où je suis né est un texte doux et
sensible qui se saisit de la touchante voix d’un garçon pour parler d’amour, d’origines,
de se perdre et de grandir, d’épanouissement. C’est simple, vaste et grandiose.
La plume aérienne mais vive et juste de Florence Hinckel délivre par vagues et
traits de vérité l’émotion fragile de ses personnages, leurs histoires, ces
adolescents fissurés qui apprennent la vie dans tout ce qu’elle a de complexe
et magnifique.
« Sauf que dans mon cas, rien ne s'est déplacé de continent en continent, mais juste en moi. C'est peut-être aussi vaste. »
Vous pouvez les lire dans l’ordre
que vous voulez.
Une chose est sûre, qui que vous
soyez, garçon ou fille, adolescent ou adulte, grand lecteur ou pas, chacun des
deux textes apporte à l’histoire de cette famille en morceaux le moyen de la
reconstituer, et d’en avoir une vision d’ensemble. Chacun des deux textes lui
apporte un nouvel angle et une nouvelle fenêtre pour voir, et comprendre.
C’est à travers celle de Léo que je
trouve le plus de profondeur et de résonance en moi … mais je ne ferme pas
celle de Sophie. Au contraire, je l’ouvre en grand, je cherche à en saisir les
subtilités, je vous invite à faire de même, et je laisse ces deux fenêtres
respirer, à l’unisson, le vent et la vie.
On revient toujours changé d’un
été, écrivais-je l’an dernier. C’est certain.
On revient toujours changé d’un
roman de Florence Hinckel. J’en suis tout aussi persuadé.
Plongez dans l’été fragile,
sensible, et bouleversant, de deux adolescents.
1 commentaires:
Magnifique. <3
Enregistrer un commentaire