Une chronique à quatre mains, avec lavoixdulivre
Pour ses 10 ans, Mathieu Hidalf
avait gâché d’une manière encore plus phénoménale que toutes les autres années
l’anniversaire du Roi du royaume Astrien. Pour ses 11 ans, l’âge rêvé et
espéré, Mathieu Hidalf, pour -enfin !- entrer dans l’école de l’Élite se
décide à tricher, comme toujours. Pour son entrée à l’école, Mathieu compte
bien y être avant tout le monde… or soudainement, l’Élite commence à noircir,
infiltrée par un mystérieux traître. Pour ses 12 ans, il est banni de l’école,
et est renvoyé chez lui… il ne compte pourtant pas abandonner là. Au début de
ce dernier tome, Mathieu Hidalf se trouve face à un défi mortel au milieu de la
déperdition de l’école. Ainsi, depuis le premier tome, où Christophe Mauri
mettait en place avec des situations cocasses hilarantes et beaucoup d’humour
l’univers farfelu de Mathieu Hidalf, la saga, l’école, et notre héros préféré
ont bien changé. Est passé le temps des rigolades, des farces et des bêtises. Avec beaucoup de gravité dans ses mots,
rehaussés toujours par le punch sans failles de la série, Christophe Mauri clôt
avec brio sa saga. Au coeur d’une atmosphère comme aux tréfonds d’une nuit sans
fin, Mathieu Hidalf devra user de sa malice, et son intelligence, mais aussi
comprendre qu’il est grand temps de vraiment grandir.
Face à un tel défi, le dernier défi de Mathieu Hidalf, et
sans aucun doute son plus grand défi, une question semble s’imposer : y
parviendra-t-il ? Nous, on en voit une autre : n’est-il pas déjà,
malgré lui, sur le pont d’y parvenir ?
On
pourra nous répondre non. Non puisque Mathieu Hidalf poursuit sans fin ce même
but : grandir et gagner en années pour conquérir sa liberté. Il poursuit
ce but avec une telle puérilité que la quête est perdue d’avance. Bien sûr, son
envie d’être grand, fort, riche, puissant et libre a tendance à l’aveugler.
Mais l’auteur lui-même ne le définit-il pas comme un « enfant pénétré par
le monde des adultes » ? Mathieu Hidalf n’a que 12 ans. Mais il est
doté d’une intelligence hors du commun, qu’il pourrait bien apprendre à user à
bon escient, sans dépenser son énergie dans de simples bêtises, pourtant
ingénieuses ! Il est doté d’un courage qui le fait, parfois, paraître si
grand. Et il voit autour de lui son monde s’effriter : sa fratrie se
fissurer, l’Elite se fragiliser, sa famille s’éloigner, tout ce qu’il a connu
et aimé jusque-là menacé. Heureusement que Mathieu reste un enfant. Car c’est
bien dans cet âge qu’il puise sa malice, son incroyable audace et son énergie,
ce panache théâtral ! Dans cet ultime volet, oui, Mathieu apprend ce que veut dire l’effrayant et exaltant mot
« grandir ». Ce jeune garçon est confronté bien trop tôt à de sombres
épreuves.
Et alors on perçoit enfin, dans toute sa
splendeur, le touchant et attachant héros de Christophe Mauri. Malgré son
extraordinaire destin, Mathieu Hidalf n’est rien d’autre qu’un adolescent, déchiré
entre le monde de l’enfance et celui de l’âge adulte.
Heureusement qu’il n’est pas
seul, finalement, et c’est aussi là que se joue tout le talent de Christophe
Mauri. S’il sait créer un héros et le faire évoluer avec brio, il sait aussi
créer un univers et ainsi toute une toile de personnages tous plus attachants
les uns que les autres. A l’heure où sonne le temps des adieux, on n’hésite pas
à prendre son temps, parce qu’on sait que chacun s’arrêtera de nous chuchoter
ses péripéties à l’oreille au moment où on tournera la dernière page. Mathieu
Hidalf s’entoure de sa famille, de ses amis, et même de ses ennemis pour mener
la bataille, cette immense et dernière bataille où il devra se rappeler qu’on
ne fait pas tout en trichant, mais surtout pas toujours tout seul. En fait,
chacun a sa place dans l’histoire, et chacun sait se frotter au monde qui les
entoure pour en faire surgir, à chaque fois, des étincelles. Leur profondeur résonne alors avec toute
leur évolution. Christophe Mauri a l’art du récit, et offre, dans ce conte
magique et de plus en plus sombre, des protagonistes qui ont grandi, déchanté,
ou parfois disparus, mais qui font chacun la force du livre à leur manière.
Et que serait un conte sans un
merveilleux décor ? Que serait cette nuée de personnages sans un
extraordinaire univers où évoluer ?
Alors que le premier tome nous présentait un vaste et fascinant royaume, le
reste de la saga nous emmène de plus en plus profondément dans les méandres de
l’Elite, la fameuse école dont rêvent tous les garçons (et quelques filles …),
dont rêve, depuis toujours, Mathieu. Intensément ancrée dans ce lieu regorgeant
de mystères, de surprises et de magie, l’intrigue
y gagne en noirceur, en originalité, en alchimie et en étendue. Car alors
il n’est plus question d’un seul destin, celui de Mathieu, il est question
d’une multitude de destinées : un peuple, des élèves, une école dans son
entier. Et celles-ci ne dépendent plus que de ce jeune garçon, qui, au moment
d’être brave, comprendra qu’un héros, c’est aussi celui qui reconnaît ne pas
être le plus fort, et attendra de l’être. Et l’intrigue y gagne aussi et
surtout une Histoire. L’Histoire de l’Elite, solidement tissée par le temps,
pourtant sur le point d’être cruellement déchirée … à jamais. Et tout le monde
sait qu’on déteste voir une histoire se terminer … surtout une si belle et
palpitante Histoire, qui offre à la
saga, par sa richesse et sa complexité, une impression d’éternité. Mieux
encore : une réalité.
Ainsi, Christophe Mauri propose
au lecteur d’une part le moyen de s’évader avec panache, le moyen de découvrir
un univers riche, profond, et magique, où l’on peut croiser un chat en bottes
de 7 lieues, une biche qui brille, un arbre doré qui donne sa vie à des humains
ou encore un chien à 4 têtes qui n’en aura jamais 5… Par ce récit fort, délicat, et unique, avec cet humour qui délie les
pages et cette écriture merveilleuse, l’auteur offre au lecteur un monde à part
tout en y plaçant la profondeur et la justesse d’une réflexion qu’il
incarne en une métaphore tissée avec soin et délice. On parlait tout à
l’heure de celle de l’enfance, que Mathieu incarne avec délicatesse, enfant qui
grandit, il connaît une soudaine poussée de croissances suite au sortilège du
sommeil qui nous fait soudain penser que c’est l’intrigue en général qui le
fait psychologiquement grandir d’un coup : la noirceur d’un monde trop
grand pour lui. Mais au final, il tisse aussi une autre réflexion tendre et
sincère autour de ce monde enchanté. Il ramène le lecteur le plus âgé à son
enfance même, à ses histoires préférés, en créant le plus hilarant et le plus
farfelu des contes, et c’est peut-être pour ça que cette saga de fantasy
s’affirme comme sans âge. Il montre ainsi à chacun comment l’enfance est
formatrice, et comment l’imagination en est la suite, qu’on a peut-être parfois
intérêt à faire l’enfant parmi les situations les plus drôles comme les pires. Christophe Mauri écrit le conte d’un enfant
qui voulait grandir et qui soudainement devenu grand n’est plus sûr de le
vouloir. C’est peut-être ça, le paradoxe qui nous touche : on a beau
vouloir être grand, parfois, on redeviendrait bien enfant. Christophe Mauri,
lui, semble être entre les deux, et pour ça on l’admire.
Au terme de cette aventure,
après 5 tomes, 1856 pages, des centaines de milliers de mots ; après la
rencontre, l’évolution, la mort de dizaines de personnages ; après la
découverte, la destruction ou le changement de multiples lieux ; après la
naissance d’une incroyable alchimie entre nous et l’univers fascinant de cette
saga, il faudrait dire adieu, alors
qu’on voudrait dire au revoir. Aussi préfèrerons-nous un autre mot, bien
plus grand, bien plus touchant, bien plus réjouissant que celui qui signe la
fin de Mathieu Hidalf, et la fin de cette fabuleuse aventure littéraire,
phénoménale, humaine. Aussi préfèrerons-nous dire : merci.
Merci de nous avoir offert 5 romans de plus
en plus passionnants, chacun dépassant le précédent par sa richesse, de plus en
plus profonds, touchants et puissants. Merci d’avoir fait vibrer nos cœurs de
lecteurs. Merci Christophe de nous
rappeler combien il est bon de rêver, d’être un héros, de vivre
d’extraordinaires aventures, combien il est bon de lire, de grandir, malgré
tout, d’espérer. Merci, enfin, de nous rappeler combien il est bon d’être un
enfant, et que nous en serons toujours un.
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