On n'est pas sérieux quand on a 17 ans...

12€50 - 320 pages


                Il est des livres pour lesquels il n'est pas nécessaire de se sentir obligé de les lire aussitôt. Il vaut parfois mieux, peut-être, attendre d'être prêt. Attendre de ne plus être le même pour découvrir une histoire, des personnages. Plus encore même, je dirai que ça n'est pas parce que vous lisez un livre que vous le connaissez. Ca n'est pas parce que vous n'aimez pas un livre que vous ne l'aimerez pas une autre fois. J'ai la certitude que lire un livre n'est que subjectivité. La preuve d'abord pour la multitude de genres, et de livres, qui existent et ne plaisent pas à tous. Mais aussi car on peut être beaucoup plus marqué par un roman à un moment qu'à un autre, selon ce qu'on traverse, selon ce qu'on ressent. Je crois que avoir vécu cela avec Boys don't cry de Malorie Blackman. J'ai eu ce roman en cadeau il y a quelques temps déjà, et l'ai fait dédicacer au précédent salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil à cette auteur que j'avais d'abord adorée pour sa saga Entre chiens et loups. Cette auteur souriante, rayonnante et disponible. Récemment lauréat du prix des Incorruptibles et vivement recommandé à de multiples reprises, j'ai enfin ouvert ce roman poignant... m'aurait-il autant touché à une autre période de ma vie ?

                Boys don't cry est construit d'une manière assez particulière puisqu'il est narré sous le point de vue de Dante (à la première personne donc) mais parfois aussi sous celui d'Adam et cela est indiqué clairement à chaque début de chapitre. Pas de confusion donc. En revanche, j'ai trouvé que cette construction n'était pas assez exploitée. Le point de vue d'Adam, totalement minoritaire par rapport à celui de Dante, bien que pouvant être plus intéressant et émouvant à la fin, m'a plus souvent paru de trop, un peu comme ces mauvaises séries entre fiction et reportage où les personnages étalent leurs sentiments devant la caméra.


«-De quoi as-tu peur?
-Si je commence la liste on sera encore là demain matin. J'ai peur d'être père. Peur de ne pas gagner assez pour faire vivre ma fille correctement. Peur de ne jamais rencontrer la personne qui l'acceptera. J'ai peur de ne jamais réaliser mes rêves si je les mets en attente. J'ai peur de devenir ce genre de grand con qui frappe ses enfants. Mais par-dessus, tout tu sais de quoi d'autre j'ai peur?
-De quoi?
-Peur de te perdre.» 


                Mon différend avec le personnage d'Adam ne s'arrête pas là à vrai dire. Il est extravagant, amusant, attendrissant aussi, et en soi bien construit mais il m'a, au début du moins, plutôt exaspéré. J'ai eu l'impression alors que la plupart des personnages gays, dans les romans que j'ai déjà lu, ont ce caractère extravagant. En revanche, Malorie Blackman a un réel talent pour mettre en place une évolution dans chacun de ses personnages. Ainsi Adam, par la suite, m'a beaucoup plus touché, voire même bouleversé, et on le voit grandir au fil des pages, on le voit confronté à la réalité, et cela peut faire bien mal. Je me suis finalement réellement attaché à lui. Cependant, c'est bien Dante que j'ai préféré. Dante qui se retrouve avec un enfant sur les bras. Dante qui n'est pas du tout prêt à une telle épreuve. Dante qui est prévoyant, qui allait partir en université après des examens obtenus haut la main mention très bien. Dante qui n'avait pas prévu ce raz-de-marée dans sa vie. Mais il va devoir apprendre. Se consacrer entièrement à son enfant et vivre avec cela. Grandir lui aussi. Et c'est encore le plus intéressant. Malorie Blackman crée un personnage auquel je me suis aussitôt attaché. Sous son regard perdu, j'ai été attendri au-delà de ce que j'aurais pu imaginer, et ce personnage restera l'un de ceux que j'ai préféré dans toute la littérature adolescente.
                C'est sans doute pour l'âge des deux personnages principaux que j'ai pu à ce point m'identifier à eux, et m'attacher à leur histoire. Bien qu'ayant un an de moins qu'eux, cela reste un âge décisif, où l'on se construit et où l'on choisit le chemin que l'on va prendre. L'âge de tous les possibles.
                Il reste en revanche quelques autres personnages qui ont su capter mon attention. Le père, qui va prendre les choses en main, et accentuer sa présence pour ses fils. Qui va lui aussi apprendre. Apprendre qu'aimer, ça n'est pas seulement un sentiment puissant au fond du cœur. La petite Emma, parce qu'on aime tous les enfants ... non ? Mais aussi la tante, au départ détestable, mais au fond bien plus complexe et attachante que cela.

                C'est donc, comme je viens de le montrer là, les personnages qui sont tout l'intérêt du roman. Ces personnages pour lesquels j'ai souri, pour lesquels j'ai souffert, pour lesquels j'ai tremblé. J'ai littéralement eu peur, et je me suis accroché, par Dante, à Emma comme si j'étais son propre père. Les sentiments que m'a fait ressentir l'auteur étaient exacerbés, forts. Et je n'aurais pas pensé m'en prendre autant dans la figure. D'un bout à l'autre du roman, que j'ai littéralement dévoré en un jour, j'ai été captivé par cette histoire de vie, aux multiples épreuves et rebondissements. Cette histoire de vie bien narrée par Malorie Blackman jusqu'à cette fin sans prétention, belle, légère.

                Boys don't cry est bel et bien un roman poignant. Un roman bouleversant même qui prend tout son intérêt dans la force et la complexité de son personnage. Des personnages humains tout simplement. Un roman qui donne envie d'être père, un roman qui donne envie d'aimer. Un roman qui donne envie de pleurer. "Les garçons ne pleurent jamais, mais les hommes oui."
Un roman qui donne juste envie de vivre, et d'être soi-même.

3 commentaires:

Clèm a dit…

Merci pour cette belle chronique... Qui m'a donné énormément envie de le lire. Bravo, tu as réussi ton travail ! ;)

bouma a dit…

lu il y a quelque temps déjà, j'ai (contrairement à toi) été très séduite par le personnage d'Adam qui sous ses airs de bravar et d'affirmation cache en faite une réelle souffrance, notamment de ne pouvoir se confier à sa famille... c'est un beau roman que livre une fois de plus Malorie Blackman, gageons qu'elle en écrira beaucoup d'autres !

Froggy a dit…

J'espère avoir la chance de le lire celui-là car il me fait bien envie ! Merci pour ce super avis qui nous transporte avec toi dans cet univers xox

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