Les mots et leurs pouvoirs




            Les mots et leurs pouvoirs ; essence même de tant d’interrogations, de réflexions, de livres, essence même de ce que nous sommes, nous, lecteurs. Les mots et leurs pouvoirs ; l’objet de cette chronique qui vous présente quelques albums pour enfants –et grands enfants !– approchant de plus ou moins près cette question.



– Coup de
            De manière plutôt concrète, Un petit mot magique propose d’aborder le thème avec, comme l’indique le titre, celui de la politesse comme compagnon. Un panda rencontre plusieurs animaux et leur propose des donuts. Tous, sauf l’autruche, hautaine et désagréable, en veulent. Mais un seul, le maki (le singe, hein, pas le sushi), dit « S’il te plaît ». Alors, le panda lui donne tout.
            L’histoire est simple mais bien menée, très drôle et attendrissante. Mais ces impressions de lectures sont possibles grâce au graphisme qui est tout simplement délicieux. Tout est sur fond gris et les animaux sont noir et blanc (le panda, l’autruche, l’orque, le putois). Les seules touches de couleurs sont les donuts et les yeux du maki, oranges et ronds comme des donuts ! Le panda, avec son air bougon, est tout simplement adorable. Le maki, quant à lui, avec ses grands yeux et son immense sourire, vient apporter cette touche pétillante de joie, de couleur et de politesse.
            Un album délicieux à lire et à partager ! Si vous êtes polis, peut-être que je vous en lirai un bout…



            Puisque les mots sont l’essence de ce que nous sommes, êtres lecteurs et dévoreurs de lettres, je ne peux que vous parler de T’es plus mon amoureux ! de  Claire Gratias et Sylvie Serprix. Il s’agit de la suite d’Arrête de lire, dont vous aviez peut-être entendu parler car il a reçu le Prix des Incorruptibles 2014 catégorie CE1. Ce second album met sur la route d’Horatio la jolie Cassandra, une amoureuse ! Le voilà prêt à conquérir son cœur, mais il va découvrir que ce n’est pas si simple, qu’il va falloir faire des choix, voire des sacrifices.
            Le texte, bien que rythmé, m’a semblé un peu convenu. Mais il met en mots avec beaucoup de légèreté et d’humour cette histoire de mots et de maux amoureux. Arrête de lire et T’es plus mon amoureux, c’est néanmoins un réel plaisir de lecture grâce au dessin de Sylvie Serprix. Ses illustrations, un peu classiques aussi dans leur rapport au texte, vivent et mettent en couleurs l’histoire. C’est vif, intense et traversé de myriades de petites lettres –qui recomposent plus ou moins le texte, si on y porte bien attention. Elles apportent une richesse à l’image et une profondeur à la représentation de l’histoire qui a su me toucher.
            Je vous invite vivement, amoureux des mots, à découvrir cet album !



            Les mots sont faits de lettres, et on les trouve aussi dans des lettres ! (Oh, la jolie pirouette intellectuelle.) Je pourrais alors vous parler de Lettres de mon hélicoptêtre, un album frais et revigorant, mais ce ne sera pas pour aujourd’hui. A la place, je vais vous parler de Marcelle Potoffeu, publié dans une petite maison d’édition existant depuis bientôt 10 ans : les éditions  Courtes et longues. Cet album raconte l’histoire de la fameuse Marcelle Potoffeu, concierge d’un immeuble parisien, qui dévore les mots ou plus exactement les secrets de ses voisins, qu’elle découvre dans les lettres que le facteur apporte chaque matin. Après une présentation piquante du personnage, les auteurs racontent comment son destin, et celui de l’immeuble, a brusquement basculé un jour.
            L’histoire est drôle et incisive, voire un peu cruelle. On s’attache à Marcelle Potoffeu tout en la moquant. Yann Walcker joue avec les clichés et des idées innovantes pour dresser le portrait de ce personnage haut en couleurs. Le graphisme est en harmonie avec ce texte. Il appose de nombreux aplats de textures et a un côté très moderne en jouant sur les couleurs, une découpe de l’image franche et des effets informatiques : profondeur, feu d’artifice de mots, … C’est parfois un peu lourd mais en même temps très riche ! J’ai beaucoup aimé ce style et j’ai trouvé que Gaia Guarino maniait avec brio la gestion des espaces et notamment du blanc qui s’insère, ainsi que le texte, parfaitement dans l’image.


 
– Coup de
            Je termine ma chronique sur l’album que j’ai préféré et qui est l’un de ceux qui me le plus touché jusqu’à aujourd’hui. Fadoli dresse le portrait, plus qu’il ne raconte une histoire, d’un personnage qu’on traite de « fada du village », qu’on appelle « Fadoli ». Mais lui n’est pas comme « les gens pressés ». C’est un garçon qui rit plutôt que pleurer, qui « vi[t] les yeux dans les étoiles les pieds sur un nuage ». Le mot fait mal, mais lui semble le laisser glisser sur les immenses ailes de son imaginaire sans s’arrêter de voler avec sa différence, qu’il faut apprendre à accepter.
            Le texte est d’une rare beauté. Il dessine cet enfant avec une délicatesse véritablement bouleversante et très peu de mots. Mais cette réserve dans le texte crée une sensible pudeur et une richesse implicite qui donnent du corps et de la profondeur à l’album. De plus, cela donne une place immense à l’illustration qui éclot avec splendeur au cœur des pages du livre ; tant et si bien que ce premier disparaît et l’image est seule reine de quelques doubles pages. L’univers de l’illustratrice offre au lecteur une des images somptueuses : les cheveux de l’enfant naissent de fleurs, ses pieds se couvrent d’un firmament bleu et vert, il lui pousse des ailes de papillon, les animaux l’entourent et changent de taille, volent, inquiètent, étonnent, réjouissent, rassurent. Les couleurs éclatent, se heurtent, se perdent comme la réalité et l’imaginaire. On ne sait plus trop où sont l’un et l’autre. Entre surréalisme et peinture fidèle d’un monde tangible bien que rêvé, Mathilde Magnan donne vie au texte avec une sensibilité et une beauté essentielles.
            Un album nécessaire où l’art, mots comme images, frémit avec panache et délicatesse la surface d’une vérité : la différence est richesse.

7 commentaires:

Lucille a dit…

LE PANDA EST TELLEMENT MIGNON !
Et je ne savais pas que la suite de Arrête de lire était sortie, uhuh j'irai me la faire dédicacer à Montreuil !

Mathildette a dit…

wahou ! Merci beaucoup beaucoup pour ce retour sur Fadoli !
Mathilde

Nathan a dit…

Avec grand plaisir, votre album est superbe, je suis heureux que vous commentiez mon blog ...

Je lis donc je suis a dit…

Wow ça donne vraiment envie de se plonger dans tous ces beaux albums, surtout le dernier ! Tu en parles vraiment bien ! ♥

Marie-France Zerolo a dit…

MERCI! touchée au coeur!!

Juliette a dit…

Wow ils ont l'air super, surtout le dernier.
Ton texte donne vraiment envie de se jeter dessus.

Marie-France Zerolo a dit…

...je viens de voir la vidéo ^^, merci encore

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