Voilà le blog totalement ... Pépixé ! Voici donc venu le tour de Tibo Bérard de remuer encore un peu mon espace virtuel en y glissant ses mots ... et ses réponses à mes questions ! J'avais déjà eu l'occasion de l'interviewer et me revoilà donc une petite heure au téléphone avec lui, à passer un bon moment très enrichissant !
Quelle est la genèse
de Pépix ?
En
fait, il y a plusieurs éléments à l’origine de la collection.
D’abord,
on a beaucoup réfléchi aux lecteurs,
c’est-à-dire les enfants. Cela peut paraître évident, mais il se trouve que
beaucoup d’éditeurs lancent des collections simplement parce qu’ils n’ont pas
encore investi tel ou tel marché, ou pour avoir une « corde en plus »
à leur arc. Il n’était pas question de tomber dans ce travers, parce que le
lecteur compte plus que tout le reste.
Il
se trouve donc que, chez Sarbacane, c’était un secteur encore en friche. Nos
collections vont de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte (avec Exprim’ et la
BD) mais aucune n’était dévolue à cet âge-là – celui des 8-12 ans. Souvent, les
libraires nous disaient que c’était dommage que nous n’ayons pas de romans
illustrés, qu’ils nous « attendaient » sur ce terrain, avec notre
pâte, nos idées et nos auteurs. En fait, on n’avait tout simplement pas eu le
temps de développer une telle collection et on voulait faire ça bien.
Enfin,
on avait des auteurs qui étaient prêts à se lancer dans un livre pour cet âge ;
des auteurs qui, je le sentais, avaient la capacité de le faire. Marion Brunet
par exemple, dans Frangine, donne à
sentir le « parfum d’enfance » des souvenirs de son héros, Joachim,
avec beaucoup de justesse.
Finalement,
au printemps dernier, on en a parlé chez Sarbacane et je leur ai proposé
l’idée. J’avais identifié des auteurs pour ça, qui possédaient ce talent de
conteur traditionnellement associé à la littérature anglo-saxonne – Roald Dahl pour
ne citer que le meilleur – et qui pouvaient l’infuser dans l’univers de
l’enfance, à leur manière, avec leur singularité… leur french touch, quoi !
J’ai
d’abord appelé des libraires – cinq en tout – et j’ai eu de longues discussions
avec eux pour me renseigner. Je voulais connaître leurs coups de cœur, savoir ce
qui selon eux manquait sur le terrain, etc… Par exemple, Gwendal de
Récréalivres m’a accordé deux heures au téléphone, c’était un cadeau
inestimable ! Alix Loiseleur des Longchamps m’a offert une passionnante visite
guidée de son rayon à la Fnac des Halles… Franchement, tous les cinq ont été
formidables.
En
plus de ça, j’ai lu beaucoup de romans dans cette tranche-là et j’ai finalement
établi un constat. Comme toujours, mais peut-être plus encore sur le terrain de
l’enfance, les Anglo-Saxons sont très forts pour la narration, ce sont de véritables
conteurs aux narrations enchanteresses – mais leur humour peut parfois être,
disons, un peu vieillot. Les Français quant à eux ont une vraie finesse d’écriture…
mais ce sont à mon sens les histoires qui pèchent, car elles virent trop
souvent à la simple « petite fable morale », un peu austère, donneuse
de leçons… J’ai par exemple lu quatre romans sur le thème du racisme ! Et
dans la plupart d’entre eux, le roman commence par la sempiternelle scène du
réveil qui sonne pour aller à l’école !!! Pour moi, cela manque de tempérament,
de vie et de ton. Pourquoi aime-t-on tellement Le petit Nicolas ? Parce qu’il a, lui, un ton bien particulier, et
c’est pour ça qu’il a eu un tel succès.
Je
voulais donc des romans remarquables par leur fantaisie : des rebondissements, de l’aventure, un humour piquant
et mordant comme les enfants y sont habitués avec des films comme Shrek, Ratatouille, etc.
J’ai
donc écrit un très long mail, avant l’été, à certains de « mes »
auteurs mais aussi à d’autres, en leur expliquant ce que je voulais, ce que
j’aimais et qui pourrait servir d’inspiration (Tom Sawyer, Les Goonies, les
films d’animation Pixar) et en soulignant le fait que ce que je désirais
vraiment pour cette collection, d’abord et avant tout, c’était un ton bien
particulier. À eux et à nous de le « trouver » ensemble !
Dès
le lendemain, j’ai reçu des retours très encourageants de leur part, parce
qu’on ne leur propose pas souvent ça, cette liberté au lancement d’une
collection. Ils étaient tout excités. Séverine Vidal par exemple a écrit pour
la première fois un roman aussi long (Moi,
Zach, évadé d’Alcatraz, à paraître à la rentrée 2014, NDLR) ; elle a
« osé » l’aventure, elle a foncé et cela donne un bouquin plein de
malice, de dynamisme et d’humour ; au résultat, elle a fait des choses
qu’elle-même ne se croyait peut-être pas capable de faire.
Celui
de Marion Brunet a été le premier que j’ai reçu en réponse à mon fameux mail. Le
texte de Raphaële Moussafir, en revanche, est un peu dû à ce que j’appelle un « hasard
magique ». Il m’a été apporté pile poil au moment où nous réfléchissions à
cette collection, par Constance Joly-Girard, qui est éditrice et agente
littéraire ; elle m’a dit qu’elle s’occupait d’une auteure qui avait un
texte insolent, drôle, orienté vers un lectorat trop jeune pour la collection
Exprim’ mais qui, du point de vue du ton et de la malice, aurait pu
m’intéresser, pensait–elle… la coïncidence était énorme, à croire qu’il y a des micros chez Sarbacane !!! Il y
avait même des bonus dans le manuscrit de Raphaële (les leçons de la souris),
exactement comme dans le descriptif que je faisais, dans mon mail, de notre
future collection !!! Raphaële et moi avons travaillé sur le texte avec
passion, avec énergie – et beaucoup de rires ! –, et cela a donné Sacrée Souris.
Tu disais accorder
beaucoup d’importance au style des romans Exprim’ et tu dis maintenant tu
sembles avoir travaillé à fond le ton des Pépix ? Penses-tu qu’un bon
style est indispensable à tout bon roman ?
C’est
une question intéressante, parce qu’il s’agit en fait de se demander si une bonne
histoire peut ou non être mal écrite… Je ne sais pas. Mon combat personnel,
c’est d’allier mon amour de la narration à mon goût du langage. Beaucoup de
gens disent que le fond et la forme sont deux choses différentes, alors qu’en
fait non, elles se rejoignent, se complètement, se nourrissent l’une de l’autre :
un style original, percutant donnera toujours plus de force à une histoire.
Mais c’est bien d’histoires que l’on
a besoin.
J’ai
donc aussi besoin de la narration, je ne suis pas un pur styliste qui
privilégie l’écriture au détriment de l’intrigue. En ce moment, je lis beaucoup
de romans de Jack London : voilà un auteur à la langue pure, soignée et
poétique mais aussi doté d’un sens du rebondissement, de l’aventure et du
dialogue, et qui créait des personnages riches, vivants… inoubliables.
Ce
« juste dosage » de la narration et du style, c’est bien ce qui
manque, pour moi, dans la littérature jeunesse (8-12 ans) française. Alors
évidemment, comme il s’agit ici de lecteurs de 9 ou 10 ans, c’est moins le
style à proprement parler que le ton
qui nous intéresse. Pour Pépix, on s’attardera moins sur des détails de
ponctuation ou les figures de style qu’on ne le fait dans Exprim’, mais plutôt
sur le dynamisme, pour que les romans soient toniques et drôles. Mais du coup, je
suis intraitable sur la justesse du ton : je refuse les expressions bateau,
les traits d’humour faciles… Tous les mots utilisés doivent correspondre et
ressembler au héros ou à l’héroïne.
Tu dis vouloir de
te détacher des romans moralisateurs existant déjà ; pourtant, les leçons
de Sacrée Souris (distillées sous
forme de « bonus ») ont dérangé certains lecteurs par leur aspect
très moral…
Vraiment ?
Mais pour moi, ces leçons sont bien sûr de fausses morales : Léonore se
moque justement des adultes moralisateurs ! Peut-être le trait d’humour était
un peu trop subtil ? Pourtant, il me semble évident que quand Léonore –
petite souris cancre, impertinente, paresseuse – balance au petit
lecteur : « Range ta
chambre ! » ou « Brosse-toi les dents ! », c’est une
plaisanterie. Léonore détourne les idées de morale, elle est dans
l’impertinence ! La première leçon qu’elle donne est d’ailleurs une pure leçon
de désobéissance (« Comment rendre ses parents chèvres »)…
En
vérité, ce que les romans de la collection Pépix racontent, c’est que les
enfants sont dynamiques, débrouillards et ont, à cet âge (8-9 ans), un sens
critique qui leur donne la capacité de résister, du moins de faire un petit
pied-de-nez au monde adulte.
Comment a changé
ton travail avec la naissance de Pépix ? Travailles-tu avec la même
équipe, qu’est-ce qui change dans ton travail avec les auteurs d’Exprim à
Pépix ?
En
un sens, Pépix est né parce qu’Exprim commence à vraiment marcher : la
collection a fait un petit bond en avant depuis un an et je suis donc plus tranquille,
l’esprit libéré, à ne plus me demander à chaque nouvelle parution :
« Est-ce que ça va marcher ? ». C’est comme si une nouvelle
porte s’ouvrait pour pouvoir développer d’autres choses. Depuis l’essor
d’Exprim’, nous sommes envahis de manuscrits et j’ai même dû créer un comité de
lecture pour m’aider un peu à faire le tri. J’ai donc pu me lancer à fond sur
Pépix. J’ai donc maintenant 2 projets « sous ma houlette », ce
qui est très intéressant et m’ouvre l’esprit.
Quant
à l’influence que la création de Pépix aura sur Exprim’… je pense que cela
m’aidera encore et toujours à garder de la fraîcheur
: après avoir parlé toute une matinée d’ogres de sorcières, de tout ce qui
peuple le monde de l’enfance, c’est très intéressant de retourner sur un
manuscrit Exprim’ au sujet plus réaliste ! Pour les auteurs – ceux qui en
ont l’envie et le talent, parce que tout le monde n’a pas forcément la capacité
d’écrire une histoire pour les enfants –, Pépix est aussi une porte en
plus : comme des territoires supplémentaires, un nouveau terrain de jeux.
Et la suite ?
Quelles parutions prévoies-tu ?
Pour
le début, je prévois un rythme assez raisonnable de 5 ou 6 romans par an. Pour
Exprim’ on en est à 9 mais sur 2014, je pense baisser à 7 ou 8 – juste pour un
an, le temps pour moi de m’adapter. Si Pépix cartonne, comme on l’espère,
on augmentera ce bon rythme pour arriver au même qu’Exprim’. Mais de toute
façon, on ne dépassera pas 10 titres par an, car il nous tient à cœur de conserver
une production mesurée : certains éditeurs envahissent le marché de nouveaux
livres, chaque mois, sans forcément faire une bonne sélection et cela noie le
reste.
Après
le lancement de Pépix en mars, je vais donc enchaîner par une deuxième cession à
l’automne 2014, de septembre à novembre, avec 3 romans. J’ai beaucoup d’espoir
pour Pépix, j’ai le cœur qui bat face à l’engouement naissant : je n’ai eu
que des retours enthousiastes des auteurs, des libraires, des blogueurs, des
journalistes … alors il faudra assurer derrière !
Le
premier est un roman de Séverine Vidal (« Moi, Zach, évadé d’Alcatraz », illustré par Marion Puech) qui
est très axé aventure. C’est l’histoire d’un enfant qui est fasciné par la
fameuse histoire des évadés d’Alcatraz. Aussi il profite d’une visite dans la
célèbre prison-musée de San Francisco pour s’y laisser enfermer de nuit… et refaire
l’évasion ! Seulement, dans son aventure, il va rencontrer les fantômes –
à moins que ça ne soit un voyage dans le temps ? – de ces évadés.
Le
second est signé Florence Hinckel. Elle m’a dit s’être énormément amusée avec
cette histoire, avoir osé plein de choses nouvelles, et en effet c’est un
roman détonant, avec un langage très riche et une inventivité débordante. Il
s’intitule « Super-Louis et l’île
aux crânes » et raconte l’histoire d’un enfant un peu trop gros qui se
rêve en super-héros. Il a un « meilleur ennemi » qui l’embête mais en
même temps ils passent tout leur temps ensemble à se chamailler. Ils sont tous
les deux amoureux de la même fille et un jour, ils se font tous les trois kidnapper
par un gangster qui les emmène sur une île où il sera question d’une piratesse,
d’une chasse au trésor … le tout illustré par Anne Montel, dans un univers très
« Goonies » !
Enfin,
Rachel Corenblit a écrit un roman qui s’appelle « L’extraordinaire aventure de Woua-Woua le chihuahua » –
illustré par Caroline Ayrault, que nous avons découverte avec Sacrée Souris. C’est un chihuahua qui
appartient à un petit garçon et celui-ci se retrouve au cœur d’une chasse au
loup (avec deux autres personnages : un garçon et une fille) dans les
montagnes… et toute l’histoire est racontée par le chien, petit animal plein
d’esprit et de d’humour ! Vraiment désopilant, avec quelques frissons et
beaucoup d’espièglerie.
Pourquoi avoir mis
l’accent, plus qu’avec Exprim’, sur l’objet-livre en tant que tel ?
(rabats, vernis sélectif …)
On
a voulu que les enfants aient un bel objet entre les mains. Il y a les rabats,
les auteurs dessinés par l’illustrateur/illustratrice… Notre budget n’est pas
extensible, mais on a pris en compte le fait que le livre devait être
gratifiant pour les enfants. Et puis on voulait aussi montrer que certains
romans français peuvent « se poser là », qu’il ne s’agit pas toujours
petits bouquins maigrichons ! Non : Pépix, c’est du plaisir, c’est
gourmand, ça déborde.
En
plus, il y a la place accordée aux illustrations : le texte compte 80 000
ou 90 000 signes, mais on demande 40 dessins, ce qui est beaucoup. Caroline
Ayrault (Sacrée Souris) a tellement
aimé le texte de Raphaële qu’elle en a spontanément proposé près de 60 !
Au final, avec ces deux titres pour lancer Pépix, j’ai en main exactement ce
que je voulais proposer : des récits graphiques vivants, drôles, toniques
– et même interactifs, via les petits bonus qui essaiment le récit
1 commentaires:
Vraiment intéressante cette interview =D
C'est top de découvrir tout le travail, et le pourquoi du comment de cette nouvelle collection !
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