Thomas Carreras: l'interview ! #2

 

COUAAAC. Les canards s'excitent, Thomas Carreras est de retour pour une interview ... post-lecture du roman ! Je vous laisse la découvrir ... et n'hésitez pas à revenir en arrière sur le blog pour découvrir ma chronique de 50 cents, et surtout celle de 100 000 canards !
Attention, un ou deux spoilers possibles dans cette interview !

Le roman s'ouvre sur une dédicace à une personne qui semble t'avoir donné l'idée de 100 000 canards… c'est le cas ? Tu nous racontes ?
Ouaip. Tout a commencé avec Gary Larson, un comédien américain. C’est lui qui a inventé l’anatidaephobie (la peur d’être observé par un canard) dans les années ’70/’80. Il y a trois ans, avec un pote, on déconnait sur Internet et on est bêtement tombé sur le mot sur Wikipédia. On était tellement mort de rire qu’on a passé la semaine à chercher d’autres mots, comme l’hippopotomonstrosesquipedaliophobie (la peur des mots longs), ou la peur des nains de jardins à brouette, la peur des pingouins, la peur du chiffre 666… et puis moi, de mon côté, je me disais « Nomdidiou, faut trop que j’écrive un truc là-dessus. »

Comment a évolué la construction du roman jusqu'à être scindé en 2 parties ?
Ça a pris du temps pour se mettre en place. Pendant un long moment j’étais juste focalisé sur ce qui allait arriver à Ginger. Je me disais que je pouvais écrire une sorte de Shutter Island avec des canards ; le twist serait que Ginger n’était pas folle, et ça se terminerait avec sa mort. Mais ça faisait un peu abrupt comme façon de terminer un roman – et puis la mort du narrateur en fin d’histoire, ça n’a rien d’original. Par contre, la mort du narrateur en milieu de bouquin… Alors je me suis mis à réfléchir à ce qui se passerait si les canards envahissaient Merrywaters. Le thriller s’est lentement transformé en film apocalyptique type zombie. Je pouvais pas bâcler le truc, parce que j’étais conscient que la première partie était assez puissante, et personne n’a envie de terminer un roman sur un anti-climax. Le seul moyen de faire, c’était de pousser encore plus loin, et de briser encore plus de règles.

Qu'est-ce qui t'a donné envie d'adopter une narration différente, beaucoup plus scindée et plus riche en points de vue ? Est-ce que ça a été difficile ?
J’adore explorer différentes techniques de narration. C’est très très fun. Pour moi, si tu fais la même chose pour chaque histoire, t’écris simplement le même bouquin. Je voulais essayer quelque chose que j’avais pas pu faire avec 50 cents. Et passer d’un personnage à un autre, c’est un régal. Ça permet de diversifier le ton de l’histoire, de créer du suspense, de mieux comprendre les personnages, et de décrire l’action de manière différente, aussi. Bien sûr c’était un peu casse-tête de tout emboîter dans un ordre logique, mais le vrai challenge était plutôt de trouver une voix propre à chaque perso. Faut juste être patient – et prendre beaucoup de douches. 

Est-ce que ça a été un défi d'adopter, dans ta première partie, le point de vue d'un personnage féminin à la première personne ?
Pas vraiment. Ginger, elle a beaucoup de mes manies. C’est le personnage le plus « autobiographique » que j’ai eu à écrire. Elle a aussi des traits de caractère d’amis très proches. Ce qui fait que je la connais sur le bout des doigts. Je sais absolument tout d’elle. Je sais qu’elle préfère écouter les enregistrements live de morceaux de musique, au lieu de la version studio. Je sais que quand elle prend un escalator, elle se retourne pour voir le sol s’éloigner d’elle. Je connais ses plus grands rêves, et je connais ses plus grandes peurs. Ça, c’était vital pour réussir sa partie. Quand t’as un personnage comme Ginger, un peu loufoque mais qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, et que tu la fais sombrer dans la folie, il faut que sa manière de craquer soit différente de celle de madame-tout-le-monde… mais tout de même réaliste et familière. À côté de ça, la question garçon/fille, c’est pas compliqué. 

Et d'adopter le point de vue de groupes (très) connus ?
Ça c’était trop drôle. Dans le cas de Mick Jagger ou des Village People j’y réfléchissais pas trop, j’écrivais juste toutes les conneries qui me passaient par la tête. Stevie Wonder, c’était autre chose. Je suis un grand, grand fan de Stevie. J’écoute ses chansons quasiment tous les jours. Il y a un truc dans son funk qui me donne des frissons. C’est ce funk que j’avais envie de retranscrire dans le roman. Mon Stevie est (probablement) très différent du vrai. Pour me préparer j’ai juste regardé une ou deux interviews pour voir un peu comment il parle, comment il bouge, histoire d’avoir une bonne image mentale, c’est tout. 

T'es-tu, ou l'éditeur l'a-t-il fait, imposé des limites à ne pas dépasser... bien que tu sois quand même allé très loin ? (âmes sensibles s'abstenir ... et je ne plaisante qu'à moitié !)
Ouais, on a eu pas mal de discussions là-dessus. Pour certains détails, Tibo avait peur que ça fasse too much, que je perde le lecteur pour quelque chose de bête. Alors j’ai un peu lissé certains personnages. Originellement on découvrait qu’Andrew avait des tendances pédophiles, et qu’il gardait un œil sur Eileene. Ça ne menait à rien, mais ça lui donnait un côté plus sombre. L’humour de Ian a beaucoup changé aussi. C’était le type le plus dépressif que tu puisses imaginer. Je le trouvais hilarant, mais Tibo disait que l’humour était de mauvais goût, alors bon, je lui ai fait confiance. Virgin, c’est encore autre chose. Techniquement j’ai rien changé à son personnage, je l’ai juste camouflé. Tu sais comment il meurt ? Le pyrodactyle le brûle, oui, mais c’est Eileene qui l’achève, avec sa propre épée. Je décrivais précisément la scène, mais vu que c’était très glauque on s’est contenté de semer des indices dans la narration d’Eileene. Même sans Tibo, il y a certains trucs que je ne me suis pas autorisé. Notamment du côté sexe. Ginger aurait pu coucher avec l’un des membres de Heavy Whale – Virgin ou Nino Del Alberta – ce qui aurait compliqué la situation avec Malcolm. Lady Quackinston & Alligator Jim, c’était une possibilité aussi. Mais surtout, faut voir les canards. Dans la réalité ils ont une vie sexuelle absolument horrifiante, basé sur le viol brutal de la femelle. Tu savais que le pénis d’un canard fait en moyenne 20 centimètres ? Il est en forme de tire-bouchon, parfois strié de petites pointes (pour détruire les traces de sperme rival). La femelle a un vagin en tire-bouchon aussi, sauf dans l’autre sens, pour rendre les tentatives de viol plus difficiles. Il faut à peine une fraction de seconde à un canard pour bander, ce qui fait que son érection ressemble à une explosion, suivie de son éjaculation immédiate. Et il y a couramment des actes de nécrophilie homosexuelle au sein de la communauté anatidé. Sans déconner. Donc tu vois, tu peux inventer ce que tu veux, la réalité sera toujours plus terrifiante que la fiction. J’ai préféré ne pas aborder cet aspect là dans le roman, pas avec un public jeunes adultes. Même si ç’aurait été drôle de voir Mick Jagger se faire violer par un canard. Imagine les possibilités avec le Canardzilla.

Et la petite question bonus: As-tu des informations que nous n'aurions pas quant au complot que préparent les canards dans notre dos ?
Haha ! Garde juste l’œil ouvert, on ne sait jamais.

Si cette interview vous laisse sur votre faim ... relisez celle d'avant-hier, et vous pouvez poser vos propres questions à Thomas Carreras !

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