Ne soyons pas comme des images.


Un moment de lecture en compagnie d'une adorable Souris
            Comme des images, annonce sur une couverture lumineuse, épurée, attirante, avec un air futuriste non négligeable un titre imposant qui s’efface doucement. Comme un cri cependant fragile, transparent, non affirmé. Peut-être tient-on là l’essentiel du livre. En un titre seulement, une couverture, le talent graphique de la collection. 
En dessous deux jeunes filles, quasiment identique, des jumelles, certainement. 
Et en quatrième de couverture, en annonce, en introduction, en phrase d’accroche, ces quelques mots : « Il etait une fois des ados sages comme des images. » 

Il etait une fois. 
            Un conte ? Vraiment ? Alors que tout semble nous annoncer le récit quotidien d’une bande d’ados. Alors que tout semble évoquer la technologie, la modernité. Alors qu’on n’a pas l’impression de laisser place là aux histoires. Et encore moins aux contes, dans leurs récits merveilleux et plein de rêves.
           Eh bien justement. Des ados sages comme des images nous dit-on. Alors qu’il y a derrière les relations souvent cruelles entre ces adolescents. Alors qu’il y a la concurrence ici, les moqueries, le harcèlement parfois, alors qu’il y a bientôt pour Léopoldine, la honte d’une vidéo dévastatrice publiée sur le net.
            Un conte en effet n’est-il pas comme un mythe le récit passionnant d’aventures palpitantes dénonçant malgré tout un défaut de notre société ou de la vie humaine ?
  
            On ressent. Beaucoup. 
            Il y a l’attachement presque désespéré de la narratrice – qui ne porte pas de nom, à laquelle on s’attache, à laquelle on s’identifie donc, qui pourrait être n’importe qui – pour Léopoldine. Si elle le lâche, elle n’a plus ce modèle, elle n’a plus cette amitié, elle admet aussi qu’elle s’est peut-être trompée, que Léopoldine n’est peut-être pas cette formidable amie qu’elle a depuis la sixième.
             Il y a cette Léo, qui devient la risée du lycée et nous on comprend, et nous on compatit, et nous on a pitié, et nous on voit tout, et nous on souffre pour elle. 
            Il y a Timothée quand même, parce que ce garçon est aussi victime, bien que coupable. 
            Et enfin et surtout il y a Iseult. Artiste, ombre, jumelle effacée dans l’ombre de sa sœur, jumelle touchante et bien plus attachante que tout autre personnage. 
            Que se tisse-t-il vraiment entre tous ces personnages ? Que ressort-il vraiment de ce récit fluide, qui entraîne le lecteur dans une lecture passionnante, ce genre de lecture dont on semble ne pas voir les pages se tourner, ce genre de lecture qu’on ne veut pas arrêter – « allez un chapitre et j’arrête » - ce genre de lectures aussi entrecoupée de sortes d’ « extras », de compléments : commentaires YouTube, conversation Facebook … 
            Quel message finalement vient percuter le lecteur de plein fouet ?
  
            On comprend oui.
           Que l’attachement de la narratrice est bien vain. Qu’elle accordait reconnaissance à ce qui n’était qu’un modèle à suivre. 
            Que l’amitié parfois peut tromper.
           Que celle-ci et amour se mélangent et on ne sait plus vraiment où on est. 
            Que Timothée aussi s’est laissé abusé. 
            Qu’Iseult peut-être touche la vérité et c’est peut-être la seule.
  
            Parce que Léo est une image qui la manipule pour abuser sans les autres, sans forcément le vouloir, sans particulière méchanceté, parce qu’elle a fait croire, espérer, aimer et parce qu’elle en a eu marre et elle a voulu changer, passer à autre, chose, elle l’a fait comme si elle avait juste fait un clic rageur. 
            Parce qu’on fonde tout notre univers sur des mots qu’on croit adéquats, parce qu’on appelle ça amitié, et parce qu’on appelle ça amour, parce que quand ça sort des cases c’est différent et c’est rejeté. Parce que quand ça s’effondre on reconsolide mais c’est toujours aussi fragile jusqu’à la prochaine chute. Parce que les sentiments ne sont pas des images, ils sont vrais, ils sont tout, mais on les enfouit sous une couche pour les dissimuler. 
            Parce que là-dedans Iseult elle est dans le vrai. Elle n’est pas derrière une image, elle est juste une adolescente qui cherche à se construire et donc est fragile et vulnérable dans cette longue quête. Elle s’enferme peut-être un peu mais sur elle-même, sur elle-même seulement. 
            Parce que Léo est une image, comme un cri cependant fragile, transparent parce que le vide derrière, non affirmé, aussi volubile que ses désirs et ses envies.
  
            Un livre sur les réseaux sociaux, oui, parce que c’est là qu’on se crée nos plus forte images, parce qu’on y affiche ce qu’on veut alors que dans la réalité il reste nos visages, notre façons d’être, nos sentiments qui débordent parfois malgré tout. 
            Mais un livre sur l’apparence avant tout, sur ce qu’on laisse voir et ce qu’on dissimule. Un livre puissant, juste, touchant, qui s’avale d’une traite et ne laisse malgré tout pas indemne.
  
            Et qui rappelle inévitablement Revanche. 
            Ce garçon homosexuel qui le cachait, mais cela fut soudainement, brutalement révélé à tout le lycée, par internet. On lui crée une image dont il ne veut pas mais dont il ne pourra pas se débarrasser et sous celle-ci il étouffe.
             
            J’espère donc que ce blog n’est pas une image parce que je l’espère sincère et juste et moi. 
            J’espère que ce roman vous plaira, j’espère que vous prendrez du coup aussi l’occasion de découvrir Revanche. 
            J’espère que vous et moi vivrons sans être des images, juste nous encore et toujours et osons le, soyons nous-mêmes.

6 commentaires:

Une souris et des livres a dit…

Tu as un don incroyable tu sais ça , quel talent pour écrire , j'adore ta chronique qui exprime ce que je n'ai pas su transmettre en mot :)
Bisous et non ne t'inquiète pas nous ne sommes pas des images et je sais que tu es juste et sincère ❤️

Clèm a dit…

Très belle chronique ! ♥ Je vais le recevoir très bientôt, j'ai hâte...

Anonyme a dit…

Bravo pour ta chronique ♥ Dommage, je l'avais demandé mais il n'y en a plus :/

CaptainMel a dit…

Waw quelle chronique... Elle donne envie de se jeter sur le livre, et aussi de lever un peu la tête des portables et autre pour retrouver un peu de réalité...

Faelys a dit…

je l'ai repéré sur d'autres blogs, ton billet confirme mon envie de le découvrir!! il est sur la liste de la prochaine commande pour mes zélèves! ;)

Paradiseandco a dit…

Je vais me l'acheter de sur. Il a été tellement victime de son succès qu'il n'est plus possible de l'avoir en SP :D

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