Sur les traces d'Ewilan : Tom Lévêque nous ramène en Gwendalavir avec Pierre Bottero


 

Quand on était enfants, Tom et moi avions l’étrange tendance à ne pas lire les mêmes livres. On dévorait tous les deux des bouquins par dizaines, on avait quelques auteurs fétiches en commun, quand on a commencé à recevoir des SP, nos chemins de lecture se croisaient… Mais la plupart du temps, on se contentait de se rabâcher l’un l’autre les oreilles avec nos histoires favorites sans vraiment les échanger. D’une certaine manière, on lisait double.

 

J’ai donc entendu parler de Pierre Bottero des centaines de fois étant ado, et je ne l’ai lu que des années plus tard, en 2022… (Honte à moi.) Comble de l’ironie, j’ai même rencontré l’auteur au SLPJ, en 2008, ce qui fait que ma trombine est dans le livre que Tom publie aujourd’hui chez Rageot, « Sur les traces d’Ewilan ». Vous pouvez me voir, en introduction, aux côtés de Tom et de Bottero, maman est derrière l’objectif, bien entendu. J’ai souvenir d’une rencontre marquante, celles qui font le bonheur de Montreuil. Une rencontre avec un auteur généreux et chaleureux, qui transperce les pages de l’ouvrage dont je vais vous parler aujourd’hui.


La Quête d’Ewilan a 20 ans cette année. Et Rageot publie à cette occasion un livre hommage à Pierre Bottero, une enquête dans les pas d’Ewilan pour savoir qu’est-ce qui fait que cette trilogie de fantasy (bientôt doublée d’autres trilogies et romans dans le même univers) a marqué toute une génération de lecteurs et lectrices et qu’est-ce qui fait que, 20 ans plus tard, elle continue de séduire de nouveaux lecteurs et de les marquer profondément.

 

Mon avis ne va pas vous paraître très objectif, étant donné que Tom est mon jumeau, avec qui j’ai fondé les éditions du Grand Peut-Être. Mais sachez que je n’avais quasiment rien lu de cet ouvrage avant de recevoir le SP. J’avais juste entendu Tom en parler (très souvent !) ces deux dernières années et j’ai suivi les pérégrinations de son enquête. Croyez-moi, cette enquête l’a animé profondément ces derniers mois et ses rebondissements étaient pour moi aussi un petit feuilleton !

 

J’ai dévoré ce livre comme un roman, quand bien même il s’agit d’un ouvrage théorique. J’ai aimé la construction dynamique et intelligente, le propos historique et thématique qui fait le fil rouge de l’ouvrage mais s’entrecoupe de portraits, de témoignages, de citations, d’encadrés, d’illustrations. J’ai aimé la mise en page dynamique et colorée de Delphine Mérieau, tout ceci n’étant pas sans rappeler notre En quête d’un grand peut-être, qu'elle a aussi designé, dans le sillon duquel cet ouvrage s’inscrit forcément. J’ai aimé le fait que de nombreux autres autrices et chercheuses s’invitent dans l’ouvrage pour élargir le propos, le regard, la réflexion. J’ai aimé le style de Tom, tout aussi fluide que dense, tout aussi neutre qu’incarné, tout aussi passionné que passionnant.

 


Que vous ayez déjà lu Ewilan ou pas, je ne doute pas que cet ouvrage vous plaira. Les uns y verront un hommage à une saga qui ne peut que les avoir marqués, et aimeront retrouver entre ces pages l’essence de ce qu’a été Pierre Bottero et de ce qu’il reste à travers ses livres. Les autres y verront la passionnante exploration d’un chemin de la littérature ado (vous voyez, En quête d’un grand peut-être a ouvert en grand les portes d’un monde dont il y a encore tout à explorer…). Parce que c’est ça, Ewilan : un morceau d’histoire, qu’on regarde sous toutes les facettes comme une sphère graphe et dont Tom a réussi à se saisir ici…

 

Que ceux qui ont peur qu’un tel ouvrage vienne profaner une œuvre intouchable ne s’inquiètent pas : ce travail, Tom l’a fait avec tout le respect qu’il a pour cet auteur. Celui-là même qui l’a mis sur les traces de l’écriture. Et avec tout l’amour du marchombre qu’il a été sur les traces de ses personnages préférés. Le livre ne démystifie pas le travail de Pierre Bottero. Il montre, sous bien des aspects, comment il a marqué l’histoire de la littérature jeunesse mais aussi de la fantasy en France. Il montre l’intelligence de son écriture, l’ampleur de l’univers qu’il a construit et la magie qui animait son travail d’auteur. Les personnages, dit-il souvent en filigrane de ce texte, « l’appelaient ». Il montre aussi, dans les premières parties du livre, qui sont sans doute celles qui m’ont le plus passionné, tout le contexte dans lequel s’inscrit La Quête d’Ewilan : la place de la fantasy et de la littérature jeunesse en France à l’époque, la révolution qu’ont été ses personnages (une héroïne ! un allié (et love interest) noir ! des femmes libres, indépendantes et solidaires !) et l’impact qu’il a eu pour Rageot et la littérature ado. Mais sans doute que ce qui transpire le plus du livre (et c’était le but premier de la publication : un hommage !), c’est la place qu’avaient les lecteurs dans le travail de Pierre Bottero. Et la place que lui-même donnait à ses « fans » (bien qu’il réfute le mot) en leur écrivant, en les soutenant, en leur répondant, en les lisant, en les rencontrant. Pierre Bottero était tout à la fois un mentor, un guide, un modèle, mais jamais une idole, un gourou ou un mythe. 

 

C’est tout ça, qui m’a marqué, en lisant Sur les traces d’Ewilan.

 

J’ai été ému, quand après des dizaines de pages de recherches, de réflexions, de portraits et de citations, on arrive à la partie sur les lecteurs et que, de plus en plus, le texte s’émaille de citations du blog sur lequel écrivait Pierre Bottero à l’époque. Comme si sa voix nous revenait. Comme s’il était encore là pour eux.

J’ai été touché, de voir l’enquêteur derrière l’auteur. De voir Tom déployer ses sources, ses entretiens et ses recherches au fil de l’ouvrage et notamment dans les très courts inter-chapitres, où il se met en scène sur les traces d’Ewilan… ou plutôt sur les traces de Pierre Bottero, qui a longtemps été son maître. Ce livre semble alors autant un moyen de lui rendre hommage que de s’en émanciper. Comme tous les lecteurs qui parlent de lui dans la partie témoignages.

J’ai été sidéré de voir la trace que Pierre Bottero a laissée. Une empreinte profonde. Tout ce qu’il a laissé derrière lui (des dizaines d’interviews, des entretiens dans lequel il se livrait et prenait du recul sur son travail d’auteur et sur sa relation aux lecteurs, un site sur lequel il était très actif, des histoires par centaines, que les personnes qui ont croisé son chemin racontent avec beaucoup d’émotion), tout cela raconte l’humain qu’il était derrière l’auteur.

J’ai été fasciné de voir combien cet auteur a eu une importance dans l’histoire de la littérature jeunesse, qui va au-delà-même de tout ce que j’imaginais. Pierre Bottero a marqué sa génération, participé d’un essor de la littérature jeunesse mais aussi influencé de nombreux écrivains et écrivaines qui se revendiquent aujourd’hui comme les « élèves » de son écriture. La littérature ado, croyez-le, n’est pas une sous-littérature qui n’est bonne qu’à évader quelques ados en mal d’imaginaire. C’est une littérature dont l’Histoire est certes encore jeune mais qui a pourtant déjà ses classiques, ses jalons, ses auteurs phares et ses œuvres qui feront date. Ewilan est déjà de celles-là.

 

Je n’en doutais pas quand, enfin, j’ai lu Ewilan, en 2022. Il ne m’a même pas fallu un été pour dévorer les deux trilogies. Il ne m’a pas même pas fallu finir la première trilogie pour faire un pas sur le côté, et finir en Gwendalavir, un monde dont on ressort à contre-cœur mais dans lequel Tom nous ramène.

 

 

 


Sur les traces d'Ewilan

Tom Lévêque

Éditions Rageot, 192 pages (en couleur !), 18€

Lancement à la librairie de Paris le 26 octobre à 19h ❤️

 

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