De la dystopie et de ses défis



                Récemment, se substituant à la vague vampirique engendrée par Twilight, c’est le genre de la dystopie qui, suite au succès mondial de Hunger Games, a connu un véritable essor dans le monde éditorial de la littérature jeunesse et adolescente. Loin de trouver une fin à son succès, le genre a tout de même tendance à s’essouffler et s’éloigne parfois de son existence première : la critique, par l’imagination d’une société oppressive, de notre monde actuel. Voici une sélection de romans dystopiques qui m’ont plus ou moins séduit et touché.

                Si vous êtes tentés par l’anglais, vous pouvez vous procurer le recueil de nouvelles dystopiques Shards and Ashes auquel ont participé de nombreux auteurs américains, notamment Veronica Roth (Divergent), Kami Garcia (Sublimes créatures), Margaret Stohl (idem), … c’est de cette dernière, la seule, pour l’instant, que j’ai lue, dont je souhaite vous parler. Je l’ai lue en fin d’année scolaire pour l’intégrer à mon dossier de littérature étrangère sur la dystopie. J’ai retrouvé avec plaisir le style poétique de Margaret Stohl qui, avec sa vivacité et son ton virevoltant, se marie parfaitement avec cette fougueuse histoire… Elle imagine une société où la science a créé un collier que chaque Homme a en sa possession et qui détermine sa durée de vie. Il perd une perle à chaque émotion, sensation forte. Cela permet d’éviter les cambriolages, le crime, certains accidents, etc. Le personnage principal, une jeune femme, vit une existence calme, la préservant au maximum de toute émotion trop forte. Cela lui garantit une longue vie. Mais que vaut une longue, plate et ennuyante vie face à une courte mais intense ? Une riche et touchante leçon de vie contée à merveille par cette auteure talentueuse.

                En outre, il existe de nombreuses séries parfois séries différentes qui valent plus ou moins le coup.
                Je vous avais déjà parlé, à sa sortie, du premier tome des Chemins de poussière de Moira Young. Le second, Sombre Eden, qui déjà ne me convainquait pas par sa couverture, m’a déçu. J’avais été séduit par l’étrange alchimie que suscitait le style de Moira Young – la voix de son personnage – véritablement unique, poétique, libre, sauvage. J’avais adoré son univers, entre apocalypse et fantastique. Mais ce second tome m’a semblé flou, lointain. Je n’ai pas retrouvé la beauté du style, ni ma fascination pour cet univers. L’histoire m’a plu, emporté ; mais les personnages sont moins attachants, voire peu approfondis, et le roman plat, sans réelle originalité. Je reste curieux de lire la suite qui, j’espère, rehaussera le niveau.

                Je vous avais déjà parlé, aussi, des deux premiers tomes de la trilogie La Sélection de Kiera Cass. J’attendais impatiemment le dernier et je guettais chaque jour la boîte aux lettres. Si bien que la version originale que j’avais précommandée (édition Barnes & Noble dédicacée avec poster et scènes coupées) est arrivée avant. Tout heureux et excité que j’étais, je l’ai donc lu en anglais. Je n’ai eu aucun problème à le lire, car le style de Kiera Cass est relativement simple. En outre, j’ai donc jeté quelques coups d’œil à la traduction et je l’ai trouvée parfois mauvaise. La dernière phrase par exemple qui, en anglais, est belle et émouvante, est, en français, lourde et perd toute sa beauté. Je conçois la difficulté de ce travail mais j’ai été choqué … Toujours est-il que pour revenir au roman, il était captivant et, comme la trilogie entière, s’est lu d’une traite tant l’alchimie est intense. L’intrigue de ce troisième tome se répète et a tendance à s’allonger un peu trop, les personnages sont parfois peu approfondis voire incohérents, elle tire beaucoup de pistes (notamment du côté des rebelles) qu’elle laisse finalement en plan. Mais les personnages sont attachants, j’ai notamment beaucoup aimé qu’elle développe un peu la psychologie de Céleste, on tomberait presque amoureux d’eux (Maxon …), l’univers est original. Et, surtout, le livre ne perd pas une seule fois son alchimie inégalable. On se passionne avec une facilité déconcertante pour cette intrigue très girly : le château luxueux, le prince charmant … de quoi faire retourner dans nos rêves d’enfants désirant une vie comme un conte de fée. Finalement, le dénouement était assez prévisible, mais non moins intense, riche en surprises et très émouvant. Certains ont critiqué l’ouverture – relative – de cette fin, moi je la trouve logique, parfaite. Cette trilogie raconte l’histoire de la Sélection, aussi est-ce logique que cela s’arrête à la fin de la Sélection et que l’auteure ne continue pas l’histoire de Maxon/Aspen (je ne spoilerai pas !) et America. J’ai aimé la façon dont la vie du couple s’ouvre sur un champ de possibles larges et prometteur sans pour autant tout raconter … les meilleurs contes finalement, ne posent pas une fin heureuse, mais l’espoir. C’est infiniment plus saisissant.
               
                Du côté français, mais toujours dans la collection R, c’est Carina Rozenfeld qui a su me séduire avec son dernier dyptique (dont le second tome sort à l’automne) : La symphonie des abysses. Prenant la forme de 4 histoires (deux dans le premier tome, deux dans le second) sur différents personnages dont les destins se croisent, elle met en place un monde – une île paradisiaque en forme d’anneau – oppressant … de diverses manières. Dans le premier tome, elle raconte l’histoire d’une jeune fille vivant dans un village où toute forme de musique est prohibée et celle de deux amoureux qui n’ont pas encore atteint la majorité, qui sera alors pour eux le moment de choisir s’ils seront un homme ou une femme. J’ai trouvé la première très poétique, porté par le style de Carina Rozenfeld lui-même animé d’un souffle vif et céleste, mais prévisible et moins poignante que la seconde. Celle-ci met en place deux personnages attachants et très émouvants qui doivent affronter un passage dans leur vie, un changement décisif, fondamental qui pourrait chambouler leurs existences. Par la même occasion, l’auteure propose une réflexion profonde et intéressante sur l’identité sexuelle et l’homosexualité. L’amour connaît-il les barrières du sexe et de l’apparence ? N’est-il pas un sentiment bien plus profond et universel ? Comme des contes racontés au creux de notre oreille avec la musicalité des mots,  La symphonie des abysses est une dystopie unique et touchante qui promet un second tome bouleversant.

                Enfin, j’ai eu un coup de cœur pour une saga dystopique américaine : La mafia du chocolat, signée Gabrielle Zevin. Deux tomes seulement sont parus en France, et j’attends impatiemment la parution du troisième – et dernier – tome. Dans le monde imaginé par Gabrielle Zevin, le chocolat est devenu un produit interdit. Anya Balanchine descend d’un producteur illégal de chocolat, à la tête d’une mafia vendant, au marché noir, ce chocolat. C’est l’histoire de cette adolescente qui a une famille à protéger, un passé avec lequel se battre, puisqu’elle essaye de s’en détacher, c’est l’histoire de son amour impossible avec le fils d’un homme puissant, son ennemi (ou pas ?), l’histoire de son adolescence, elle qui devient femme plus tôt qu’elle n’aurait dû l’être, de son amitié avec une autre fille de son âge un peu perdue, l’histoire de son voyage dans un autre pays sur les traces du chocolat, de son passé, de son avenir, l’histoire de sa tendre amitié avec un autre garçon, si attachant … Beaucoup d’intrigues se mêlent, mettant en jeu beaucoup de thèmes différents, portant sur le monde - le commerce, le chocolat - comme la vie - la famille, l’amour, l’amitié qui font qu’on met notre vie en danger pour ces valeurs que nous prônons, défendons, ces valeurs pour lesquelles nous sommes. Le style de Gabrielle Zevin est riche et captivant, il enlève le lecteur à son quotidien et au monde qui l’entoure pour l’emporter des années plus tard, dans ce monde futuriste fascinant et dangereux. Ses personnages sont attachants, forts et vivants. La mafia du chocolat est une série passionnante, acérée et dangereuse qui vous embarquera dans un univers prenant et galvanisant. A lire à tout prix … en savourant le plaisir d’une tablette de chocolat.

                Bien que s’essoufflant, parfois très répétitive, la dystopie a encore quelques beaux jours devant elles et regorge de promesses enthousiasmantes. Encore faut-il qu’elle continue à se renouveler, à innover et à proposer des histoires audacieuses, captivantes et surprenantes. Sans doute les histoires qui mêlent les imaginaires, comme Les chemins de poussière, La symphonie des abysses ou Never sky, sont-elles les plus prometteuses.

5 commentaires:

Léna Bubi a dit…

Super avis !!! J'ai également adoré La sélection et La symphonie des abysses... Hate de lire le second tome ;)
Tu me tentes beaucoup avec La mafia du chocolat ^.^
Je te souhaite une bonne semaine (=

Boom a dit…

J'aimerai bcp ce genre :)

Léa Touch Book a dit…

Je lirai bien la mafia du chocolat ^^ J'ai été déçue par contre par le troisième tome de La Sélection. Le recueil de nouvelles me tente aussi :) Merci pour cet article !

Tess a dit…

C'est vraiment sympa ce genre d'article :-)

Yoko a dit…

J'ai lu tous les livres de la Sélection de Kierra Cass en anglais et j'ai également trouvé en lisant un extrait en français que la traduction n'était pas terrible... C'est dommage pour une série aussi sympathique et addictive...

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