Une dystopie ... rétro.

(c) Olivier Balez
Peut-être voyez-vous fleurir en ce moment sur la blogosphère, quelques avis sur ce roman ... dévastateur. Pour ma part, aussitôt réceptionné (samedi dernier) aussitôt lu ! Je venais de finir le superbe La face cachée de Margo de John Green et j'ai sauté sur ce bouquin court, addictif ... et très profond. Autant dire qu'en une après-midi il était lu.

Ce qui est amusant, c'est que je partais sur un simple article de présentation car, la curiosité m'ayant poussé, et peut-être même ce petit éclat qu'éprouve la journaliste à la recherche de l'exclusivité, je suis allé faire un tour sur le site de l'illustrateur, Olivier Balez. L'illustrateur de la couverture que je n'ai qu'en noir et blanc, ayant reçu les épreuves non corrigées. Là, j'ai découvert cette image pour le moins ... épatante ! Olivier Balez a créé une couverture qui sort du lot sans être trop criarde, aguicheuse ou commerciale. Il a saisi l'essence du roman en réalisant une illustration, comme il le dit, "rétro futuriste". Le vert semble comme passé de mode, les éléments se décomposent, l'équilibre et fragile.

Mais avant d'aller plus loin, peut-être pourrais-je vous parler un peu plus du roman en question ? Une planète dans la tête, c'est l'histoire d'un personnage dyslexique (comme l'auteur !): Standish.
Il ne me semble pas que Sally Gardner ait déjà été traduite en France. Toujours est-il que découvrir qu'elle est dyslexique me semble être un beau message à tous, comme quoi on peut combattre la différence et les difficultés. Et ce message, l'auteur le transmet à travers son roman.
Standish est dyslexique aussi, il a les yeux de couleurs différents. Standish, dans son monde, est faible. Il est brimé par ses camarades de classes, maltraité par les plus forts d'entre eux qui espèrent se faire remarquer, qui espèrent avoir une existence meilleure par la suite.
Car oui,  Standish vit dans une société totalitaire, dans un monde où le fascisme existe encore. C'est tout cela justement qui est confus. Le personnage utilise des termes -"Mouches à merde", "Objecteurs" ...- sans qu'on ne sache vraiment à quoi il se rapporte. On apprend rapidement la date, nous sommes en 1959. On apprend alors qu'un astronaute va poser le pied sur la lune sous peu de temps. L'incrédulité est totale.
On comprend alors peu à peu qu'au-delà d'une dystopie, on a peut-être à faire à une uchronie. Quel est l'évènement qui a changé le cours des choses ? Hitler ne s'est-il pas suicidé ? L'Allemagne a-t-elle gagné la guerre ? Au fond qu'importe. Sally Gardner, par ce roman entre Histoire et dystopie, semble montrer que le temps ne tient qu'à ... un jet de pierre.
L'ouverture de son roman n'en est-elle pas la preuve ?
« Je me demande si...
Si le ballon de foot n'était pas passé par dessus le mur.
Si Hector n'était pas allé le chercher.
S'il n'avait pas gardé l'abominable secret pour lui.
Si...
Alors, je me raconterais sans doute une autre histoire.
Voyez-vous, les "si" sont comme les étoiles, innombrables. »
Je ne vous en dirais donc pas plus sur cette fusée, sur cet alunissage
En revanche, quelle place prend la lune dans cette histoire ? Quelle importance ? Là repose tout le fond du roman.
On sait que la conquête de l'espace, et le roman le dit bien, est maintenant la nouvelle course qui oppose les plus grandes puissances planétaires. La lune devient donc ce symbole de force et de suprématie sur le reste du monde. Si la Patrie (l'auteur éclipse toute référence géographique...) pose le pied sur la Lune, c'en est fini de toute concurrence. C'en est fini de tout espoir.
Peut-être faudra-t-il alors que quelqu'un se lève devant le terrible avenir qui se profile ?
"Papou tremblait, on aurait dit qu'un séisme éclatait dans son nombril. Des larmes, les larmes qu'il s'était juré de ne jamais verser, ruisselaient sur son visage en une cascade de fureur. Je l'ai serré dans mes bras, je l'ai serré fermement. J'avais cette force."
 Ainsi le personnage devient plus fort. Si on n'échappe pas au schéma du plus faible qui se bat contre les forts, on a là un roman unique qui se détache d'abord par la justesse du personnage qui est déchiré entre sa colère, son amour pour son grand-père et cette amitié qui le lie inconditionnellement au personage d'Hector. Hector, cet attachant, ce puissant garçon, ce grand frère que Standish n'a jamais eu. On suit l'évolution d'un enfant qui en a marre de mordre la poussière, vivre dans la peur et le chagrin. Oui, plus que tout, Sally Gardner met là en avant toute la fureur de la jeunesse et d'un combat pour l'égalité, pour la différence.
"Hector avait apporté la lumière et n'avait que l'obscurité après son départ."
Enfin, portons attention au visage du garçon qui se sépare en deux couleurs et à ces planètes qui flottent un peu partout... L'expression qu'on aime utiliser c'est "Tu es dans la lune". Expression qui serait fort mal appropriée ici ... en revanche, "Tu as la tête dans les étoiles" ou ... "Tu es en orbite" pourquoi pas conviendrait parfaitement. La force de Standish, c'est son imagination. Cette partie de son esprit qui est dissimulée aux yeux de tous, et qu'il peut encore garder secrète, intime, lumineuse. Avec son ami Hector, il a inventé la planète Juniper où "Le soleil brille en Technicolor", où les habitants les accueillent avec un grand sourire et une Cadillac bleu pastel. C'est par l'imagination que naît l'espoir. Et c'est avec l'espoir que naît la force. Le vert n'est-il pas la couleur de l'espoir ?
"Je suis convaincu que la meilleure chose que nous ayons, c'est notre imagination, et toi, tu en as des tonnes."
 Le plus grand atout du roman reste cependant la narration que, malgré son handicap, l'auteur maîtrise avec un talent époustouflant. Ses chapitres sont courts et sont comme des flashs qui déstabilisent certes, mais finissent par s'assembler pour ne former qu'un éclat saisissant et percutant, un éclat qui se tient terriblement bien. Le style est sensible, touchant et Standish nous livre un témoignage difficile à pénétrer, mais finalement très fort. Les mots sont doux mais il se cache derrière une fureur qui pourrait bien être dévastatrice.
"Je collection les mots - des bonbons dans la bouche du son."
Alors oui l'univers est un peu comme cette couverture: au premier abord difficile à cerner. Mais on comprend bien que la construction est réfléchie jusque dans le moindre détail et que le talent qui éclot peu à peu est époustouflant. Finalement, ça n'est qu'après avoir refermé le livre que j'ai compris, des heures plus tard, que cette histoire m'était indispensable, que les personnages manquaient et qu'avais besoin de relire le livre pour en cerner toute l'ampleur, fusse-t-il possible.

13 commentaires:

Souris a dit…

Du coup en lisant ta chronique je le rajoute sur ma wish list, super article, très intéressant et qui titille ma curiosité, c'est une chouette idée de partir de la couverture pour parler du livre !
Je te suis depuis très longtemps, je ne prends pas assez le temps de laisser des commentaires je vais y rémédier .
Rien à voir mais John Green *-* je veux lire tous ses livres, je les ai acheté suite à ma lecture de "Nos étoiles contraires"
A bientôt
Steph (souris)

Lucille a dit…

T'arrête de faire des chroniques aussi bien toi ?

Plus sérieusement, tu me tentes, les uchronies c'est toujours intéressant, et encore plus dans ce livre !

Eze3kiel a dit…

Très tenté par ce roman ! À rajouter sur ma liste de livres à découvrir, bien sûr.

Vavi a dit…

Ça donne vraiment envie ! ^-^

Mathilde a dit…

Je l'ai aussi reçu, mais je trouve le résumé un peu brouillon, ce qui m'effraie pour la suite...

Au Rendez-vous Littéraire a dit…

J'aime aimé mais bof quand même !!! C'est un livre très spécial je trouve !!!

Nathan a dit…

Voilà ce que les blogueurs aiment entendre merci :3
Ah John Green ♥

Nathan a dit…

Ahah merci ♥
Enfin uchronie c'est ce que j'ai analysé/déduit mais sinon c'est pas central ;)

Nathan a dit…

Bien sûr ;p

Nathan a dit…

Tant mieux :D

Nathan a dit…

L'extrait est bien choisi, beau ♥

Nathan a dit…

C'est vrai, mais avec du recul je me rends compte que l'histoire m'a vraiment captivé surtout vers la fin !!

Jeune Fille du Temps a dit…

J'ai adoré la chronique comme le livre ! Bravo !
http://uncoindeterrelibredecole.blogspot.fr/

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